Eté 1983, paysages radieux de Lombardie, famille bien élevée qui parle trois langues… Elio, l’ado de la famille plongé dans ses bouquins et son walkman Sony voit débarquer un bel américain, ami de ses parents, du genre hétéro idéal, pénible et désirable, qui même dans un bermuda dégueulasse reste définitivement désirable.

Il n’en faut pas plus pour lancer, avec la lenteur des approches perturbée par les incertitudes adolescentes, un jeu du chat et du chaton dans la maison et les alentours, traquant le moindre signe comme une révélation. « Les gens qui lisent sont cachotiers » : la bande originale de Call me by your name a la saveur d’une madeleine de Proust trempée dans une cup of tea des eighties et exprime tout ce que les personnages veulent cacher : « Words, don’t come easy… ».

Timothée Chalamet et Armie Hammer, les deux amants en escapade sur les hauteurs de Bergame.

Sur la route de Madison version gay, avec aussi Armie Hammer

Orfèvre de la volupté nostalgique, le scénariste James Ivory (le réalisateur de Maurice, grand classique LGBT, adaptant ici un best-seller américain avec le réalisateur italien d’Amore, Luca Guadagnino) mue peu à peu cet attentisme estival en suspense prompt à trahir enfin un désir : vous ne mangerez plus jamais un pèche comme avant, sans parler de ne plus savoir comment enfiler un caleçon (on vous laisse en découvrir un nouvel usage).

Call me by your name, le scénario le plus coquin de James Ivory

Subtil et délicat, Ivory sait rester coquin, avec ce talent inimitable de transformer des scènes de touche-pipi en véritable drame intime, dressant par ailleurs le tableau universel d’un âge et d’une époque – une certaine homosexualité clandestine au début des années 80 – à partir de simples souvenirs, probablement autobiographiques.

C’est splendide, jusqu’à la scène finale entre le père et le fils qui montre avec une rare profondeur que ce n’est pas parce que les choses sont tues qu’elle n’étaient pas sues. Une éducation sexuelle touchant aussi les adultes, sorte de Route de Madison version gay, se concluant par une chanson inédite de Sufjan Stevens (le film en contient deux), sur ce qui est déjà un des plus beaux génériques de fin de l’année, fragile et bouleversant.

Call me by your name de Luca Guadagnino sur un scénario de James Ivory (EU-It-Fr, 2h12) avec Timothée Chalamet, Armie Hammer, Michael Stuhlbarg, Amira Casar… Disponible sur Netflix.