Ça commençait pour­tant bien. Par une scène de haine fami­liale recuite avec un Melvil Poupaud impres­sion­nant (comme il le sera de bout en bout), puis un double acci­dent de la route, sans paroles, comme on en voit peu dans le cinéma Desple­chin… Malheu­reu­se­ment après ce court prologue, le surmoi sur-écrit du réali­sa­teur reprend le pas immé­dia­te­ment pour filmer ces Frère et soeur qui se haïssent à distance tandis que leurs parents meurent.

S’il n’était pas aussi bavard pour tenir 1h50 de haine préfa­briquée avec la dernière complai­sance, on pour­rait résu­mer ce scéna­rio bêti­fiant en trois phrases : “j’veux pas, y a ma soeur” (prononcé dix fois pendant le film), et son jumeau “j’veux pas, y a mon frère” (à peu près autant)… jusqu’au “pardon” final (atten­tion divul­gâ­chage !) aussi incom­pré­hen­sible que cette pseudo-psycha­na­lyse narcis­sique et ampou­lée.

L’écri­vain (alcoo­lique) et la comé­dienne (de théâââtre)

Car le film aurait mieux fait de s’ap­pe­ler “l’écri­vain (alcoo­lique) et la comé­dienne (de théââtre) » : milieu cultu­rel pari­sien oecu­mé­nique, rela­tions hysté­riques en perma­nence alors que tout va bien, dialogues pendables et pour tout dire, comme l’avoue le père qui va mourir : un vrai film « snob ». Car il y aussi plusieurs morts du début à la fin du film, des enfants aux grands-parents, pour faire mine de donner plus de profon­deur à un film qui n’est que sérieux sans jamais être émou­vant.

Même Patrick Timsit n’est pas assez présent pour aérer ce petit monde qui s’écoute parler comme il écrit… pour ne rien dire ! Ni de la filia­tion, ni de la frater­nité, ni de la famil­le… En fait, Desple­chin ne parle que de lui et de son petit univers, certes avec une virtuo­sité incon­tes­table (du western de la ferme jusqu’à Melvil Poupaud s’en­vo­lant litté­ra­le­ment au-dessus de Paris)…

Arnaud Desple­chin pour faire lyrique

Mais pour faire lyrique, il étale de la musique clas­sique partout : dans le métro, au super­mar­ché et surtout à chaque plan dans lequel entre Marion Cotillard pour bien nous faire comprendre qu’elle est la star, alors qu’à la base on est quand même à Roubaix… L’ac­trice n’est pas en cause à chou­gner (très bien) ou haïr tout son monde tout le temps, mais elle hérite du pire : une comé­dienne égocen­trée qui se fait admi­rer par une immi­grée roumaine qui a oublié de manger depuis deux jours (sic)… ou qui pique une crise à la phar­ma­cie quand elle y va pour se faire soigner…

Pour le cinéma de Desple­chin, à part arrê­ter défi­ni­ti­ve­ment l’au­to­bio­gra­phie de son propre milieu, on ne voit en revanche plus de remè­de… Son habi­leté de surdoué finit par être son pire ennemi, et sa complai­sance à tout intel­lec­tua­li­ser de lui-même finit sévè­re­ment par compro­mettre ses talents de cinéaste.

Frère et soeur d’Ar­naud Desple­chin (Fr, 1h50) avec Melvil Poupaud, Marion Cotillard, Patrick Timsit, Benja­min Siksou, Golshif­teh Fara­hani, Joël Cuden­nec… Sortie le 20 mai.

Melvil Poupaud à la ferme, où devrait peut-être retour­ner faire un tour Arnaud Desple­chin…