Chris­tian Petzold trompe son monde. Le roi de l’am­bi­guïté senti­men­tale à l’al­le­mande s’ap­pro­prie les clichés du film d’été pour mieux les emme­ner dans son propre univers. Panne de voiture, refuge de deux jeunes gens dans une grande maison isolée dont on entend la mer avant de la voir, si les incen­dies de ce Ciel Rouge reste d’abord une menace assez loin­taine et abstraite, c’est à la ronde exis­ten­tielle de ses person­nages qu’il va se consa­crer.

Ni film d’ini­tia­tion, ni film catas­trophe au péril écolo­gique, on se demande d’abord un bon moment où il va nous mener, à travers son person­nage d’écri­vain bougon et replet en mal d’ins­pi­ra­tion (Thomas Schu­bert), artiste égocen­tré pas fran­che­ment sympa­thique. Il n’ose pas abor­der la belle vendeuse de glaces qui lui sert de voisine de l’autre côté de la cloi­son, assez portée sur des acti­vi­tés nocturnes des plus jouis­sives (Paula Beer, son actrice fétiche), et avec qui il va jouer à Je t’aime moi non plus. On pour­rait dire de Ciel Rouge qu’il est la première comé­die de Petzold, si l’er­rance exis­ten­tielle n’était pas sa prin­ci­pale carac­té­ris­tique dans une première heure qui cache bien son jeu.

Thomas Schu­bert, artiste et amou­reux contra­rié.

Le Ciel Rouge et le spray qui rend homo

Le “spray qui rend homo” et qu’on vous laisse décou­vrir exci­tera cette comé­die très céré­brale de la frus­tra­tion sexuelle à travers deux très beaux person­nages : Devid (avec un “e”) et Félix, amants d’un soir mais pas seule­ment, dont le destin va s’ac­cé­lé­rer bruta­le­ment dans les dix dernières minutes, servant de miroir éter­nel aux tribu­la­tions du jeune écri­vain en mal d’amour. Aussi litté­raire que ciné­ma­to­gra­phique, l’art du conte cher à Petzold propre à un roman­tisme alle­mand retrouvé fonc­tionne une nouvelle fois à plein, d’une façon peut-être encore plus origi­nale. L’éphé­mère et le presque rien se nour­rissent ici de la mer, des incen­dies et du désir jusqu’à ce que le film révèle sa véri­table nature à la toute fin, à travers des plans sublimes de mer lumi­nes­cente et de terri­toires brûlés. Le film le plus éton­nant de la rentrée.


Le Ciel rouge de Chris­tian Petzold (All, 1h42) avec Thomas Schu­bert, Lang­ston Uibel, Paula Beer, Enno Trebs, Matthias Brandt… Sortie le 6 septembre.