Le tube de l’été des années 80, Sara perche ti amo, et la voilà, boudeuse, les mains recroque­villées sur son maillot de bain, moquée par ses cama­rades parce qu’elle n’ose pas sauter du plon­geoir de la piscine de Cham­béry. On la recon­naît à peine, Char­lotte Gains­bourg. Elle crève l’écran à donner l’im­pres­sion qu’elle murmure pour vouloir partir se cacher en courant. Toutes les ados se sont recon­nues : le film fera 3 millions d’en­trées en 1985. Il fallait toute la sensi­bi­lité et l’art de filmer le trouble de Claude Miller pour capter aussi bien ce qu’est le mal-être de l’ado­les­cence. Son premier long métrage, La Meilleure façon de marcher (1976), juste avant Garde à vue, était déjà un grand film pion­nier sur la mascu­li­nité toxique.

Charlotte Gainsbourg jean polo marin fond rouge L'Effrontée.
Char­lotte Gasin­bourg, boudeuse radieuse.

Les jambes de gazelle de Char­lotte Gaisn­bourg

Ici, en ado typique, « Char­lotte » (Castang, dans le film) bute sur tout, râleuse, perdue en elle-même, rêvant de quit­ter sa famille modeste et chaleu­reuse pour le grand monde d’une jeune pianiste prodige qui serait son double réussi. Elle ne sait jamais ce qu’elle veut, mais ne veut surtout pas être comme tout le monde. Le génie de Claude Miller, c’est de l’avoir saisie en état de grâce, avec ses « jambes de gazelle » qui feront l’af­fiche de La Petite voleuse quelques années plus tard. Et d’avoir saisi le désir dans les yeux des autres (magni­fique marin fondant pour elle, incarné par Jean-Philippe Ecof­fey, adulte trou­blé par une ado de 14 ans).

Dans ce cinéma français d’un autre temps, la modeste maison paren­tale est recons­ti­tuée en studio pour filmer tout l’amour d’une famille qu’elle ne voit pas encore (Berna­dette Lafont, elle, a tout compris) et qui sera révé­lée dans une scène hila­rante par sa soeur cadette handi­ca­pée. Claude Miller a toujours su filmer l’in­cons­cient des enfants dans un cinéma français souvent psycho­lo­gi­sant. Ici, dès la première scène dans le vestiaire de la piscine, il fait passer une femme nue, très à l’aise à ses côtés, pour traduire toute la gêne de son corps de jeune fille. Sous couvert de comé­die fami­liale esti­vale, il aura réussi le plus beau portrait d’une actrice en deve­nir du cinéma français. Et il ne s’est pas trompé.

L’Ef­fron­tée de Claude Miller (1985, Fr, 1h36) avec Char­lotte Gains­bourg, Berna­dette Lafont, Jean-Philippe Ecof­fey, Clothilde Baudon, Raoul Bille­rey, Jean-Claude Brialy, Simon de la Bros­se… A voir et revoir gratui­te­ment sur France TV.