Il faudrait savoir de quoi on parle. On parle d’un réalisateur qui explique sans rire dans un entretien à France Inter que lorsqu’il « filme un champ de patates, ce n’est plus un champ de patates, c’est du cinéma » (sic).

On parle d’un réalisateur qui se vante de téléguider ses acteurs par oreillette, en leur faisant débiter des dialogues aussi débiles que ceux de la pauvre Lyna Khoudri au début du film : « Je me bronze le cul » (on est gênés pour elle).

On parle d’un réalisateur dont Adèle Haenel a quitté le projet en lui faisant remarquer que « derrière la façade amusante, c’est un monde sexiste et raciste qui était défendu« , avec « un scénario truffé de blagues sur les violences sexuelles.« 

Lyna Khoudri, victime consentante du harcèlement de rue.

L’Empire, une fable profondément misogyne et raciste

C’est là que le bât blesse. Que Bruno Dumont ait envie de faire un Star Wars plouc avec des clins d’oeil grossiers à Dune ou E.T. pour vendre sa soupe pseudo-galactique, soit. Que des critiques s’extasient devant la beauté bien réelle de la côte d’Opale comme s’il l’avait inventé, certes. Mais faire réciter des âneries par des non-acteurs sous oreillette, aussi expressifs qu’un patient chez l’ophtalmo en train de lire les lettres une à une, ça s’entend.

On comprend malheureusement très bien les propos d’Adèle Haenel quand on voit la pauvre Lyna Khoudri limitée à parler comme un gogole et montrer ses fesses pendant l’intégralité du film. Elle n’est pas la seule. Sous couvert d’un héros « bête » et « démon » en guise de tringleur rural, toutes les jeunes femmes de L’Empire sont bêtifiées, chosifiées, et tous les jeunes hommes renvoyés à leurs plus bas instincts pour les mater, dans les deux sens du mot.

Fabrice Luchini et Camille Cottin sauvés par leur métier

Luchini en Belzébuth.

Seuls Camille Cottin et Fabrice Luchini – d’une autre génération et d’un autre monde dans le film – ont assez de métier pour faire le show. Pour le reste, les quelques bonnes idées visuelles comme celle de constituer des vaisseaux spatiaux à partir de l’architecture de la cathédrale d’Amiens, sont rapidement gâchées par la misogynie la plus crasse et le racisme de classe. La BO entre classique et jazz en guise de vernis culturel dit tout de la condescendance et du racisme social avec lesquels Dumont regarde et bêtifie ses personnages.

L’Empire, du porn Dreyer

Il rêve de parler d’humanité, du mal et de Rédemption. Mais il est à Dreyer ce que la porn food est à la restauration. Pas assez bon cinéaste, il se réfugie derrière sa posture de philosophe de formation pour enrober son film d’un concept métaphysique qui ne risque pas d’atteindre les étoiles.

Brandon Viegle, non-acteur principal de L’Empire.

Il a beau faire des plans aussi larges que sa prétention, sous couvert de fable philosophique SF, il ne fait que compenser son impuissance cinématographique par ses bas instincts de phallocrate à répétition. On n’est surpris de ne voir personne emboîter le pas d’Adèle Haenel depuis la sortie du film, tant l’antipathie du projet est évidente. Il est vrai que le film reste peu vu, et n’a pas été sélectionné par les grands festivals, contrairement aux précédents films de Bruno Dumont comme Ma Loute, qui nous faisait déjà souffrir. Une chose est sûre, on ne devrait plus entendre parler d’un personnage aussi sinistre aux Césars… Tant mieux.

L’Empire de Bruno Dumont (Fr, 1h50), avec Brandon Vlieghe, Anamaria Vartolomei, Lyna Khoudri, Fabrice Luchini, Camille Cottin, Julien Manier, Bernard Pruvost… Sortie le 21 février.

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