« Il est parfois plus humain d’être gentil que d’être honnête » dit le person­nage de la mère dans Les Carnets de Sieg­fried. Terence Davis, lui, a d’abord toujours été honnête jusqu’à l’in­té­grité, cinéaste auto­di­dacte, indé­pen­dant, sans conces­sion, dessi­nant une auto­bio­gra­phie unique au fil de ses oeuvres, de la culture ouvrière de Liver­pool à l’ho­mo­sexua­lité.

Jack Lowden en double de Terence Davies.

Amours gay au temps de la guerre 14–18

Pour son dernier film présenté en sa présence l’an passé au festi­val Ecrans mixtes, il s’est choisi pour double le poète Sieg­fried Sassoon dans les années 1910 (extra­or­di­naire Jack Lowden), pour un mélo à la croi­sée de la guerre et des amours gays clan­des­tines. La première heure est une pure splen­deur crépus­cu­laire, mêlant le trau­ma­tisme de la guerre (dont Sieg­fried ne se remet­tra pas), et la circu­la­tion du désir navi­gant entre jeunes hommes plus beaux les uns que les autres. On aura rare­ment entendu un discours anti-guer­rier aussi viru­lent, pour­tant dit avec une grande douceur, mettant en accu­sa­tion « l’in­sin­cé­rité » des gouver­ne­ments plutôt que reven­diquant tout paci­fisme. Et le bal des regards et des atten­tions au milieu des salons est ce qui reste de plus beau et de liberté sensuelle dans un monde, déjà, en décom­po­si­tion.

Sieg­fried devant des images d’ar­chives de la guerre 14–18.

Les Carnets de Terence Davies

Humour, manque de recon­nais­sance, bons mots vachards et fantômes qui resur­gis­sent… Terence Davis n’a jamais été aussi foison­nant, mêlant les époques de person­nages deve­nus vieux et la décou­verte du spec­tacle joyeux de la comé­die musi­cale, « typique­ment anglaise« .

Jeremy Irvine et Jack Lowden.

La bles­sure homo­sexuelle mani­feste est parfois redon­dante dans cet ultime film tourné avant et après le Covid. Mais Terence Davies, déjà réali­sa­teur du sublime The Deep Blue Sea avec Rachel Weisz, signe avec Les Carnets de Sieg­fried un chant du cygne poignant, visuel­le­ment somp­tueux, ode à la conso­la­tion par le cinéma et la musique.

Les Carnets de Sieg­fried de Terence Davies (2021, Bene­dic­tion, 2h18) avec Jack Lowden, Jeremy Irvine, Tom Blyth, Matthew Tenys­son, Gemma Jones, Julian Sands… Sortie le 6 mars.

Terence Davies sur le tour­nage des Carnets de Sieg­fried.

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