Dix ans se sont écou­lés depuis Le Vent se lève, biopic fictif et auto­por­trait dévas­ta­teur d’un artiste luttant pour conci­lier imagi­na­tion et réalité, qui sonnait déjà comme le chant du cygne de Miya­zaki. Que nenni ! A 82 ans, et après avoir offi­cieu­se­ment quitté l’in­dus­trie pas moins de sept fois, le retraité le moins convain­cant du monde reprend les pinceaux pour un (très) grand film, dont lui seul a le secret.

Comment vivez-vous ? – inex­pli­ca­ble­ment rebap­tisé Le Garçon et le Héron à l’in­ter­na­tio­nal – commence avec les bombar­de­ments de Tokyo pendant la Seconde Guerre mondiale. Une scène brutale qui rappelle Le Tombeau des lucioles du regretté collègue et mentor de Miya­zaki, Isao Taka­hata. Au milieu des flammes et des cendres, Mahito, 12 ans, voit sa mère périr dans l’in­cen­die d’un hôpi­tal.

Le garçon endeuillé et son père partent alors vivre dans une maison isolée en pleine nature, dont le maître des lieux est un héron cendré mali­cieux. Après la dispa­ri­tion de sa belle-mère, Mahito va suivre l’oi­seau dans une tour enchan­tée et voya­ger dans un monde onirique où tout est possible.

Miyazaki. Le Garçon et le héron

Une aven­ture surréa­liste comme passage de flam­beau

Dans ce purga­toire des merveilles, le jeune garçon rencontre d’ado­rables bulles blanches volantes appe­lées « wara­wara« , une troupe de péli­cans affa­més, une jeune fille de feu, ou encore une armée de perruches huma­noïdes. Oscil­lant entre l’ef­frayant, l’émou­vant et le pur surréa­lisme, Le Garçon et le Héron nous embarque dans un univers fantas­tique­ment déséqui­li­bré, créé par un homme « qui a lu trop de livres« .

Lorsque Mahito retrouve son grand-oncle disparu, qui est l’ar­chi­tecte des lieux, Miya­zaki inter­roge une fois de plus le but de la créa­tion artis­tique dans un monde enclin à la chute. Le vieillard implore le jeune garçon de réta­blir l’équi­libre de ce royaume en ruine, pour fina­le­ment embras­ser son destin et lui deman­der de « construire sa propre tour » alors que l’uni­vers s’ef­fondre autour d’eux. Un message qui sonne comme les dernières volon­tés d’un être enfin en harmo­nie avec sa propre mort (artis­tique) et qui a choisi de passer le flam­beau. Jusqu’au prochain film ?

Le Garçon et le Héron, de Hayao Miya­zaki (Jap, 2h04) . Dessin animé. Sortie le 1er novembre.