Ce qui frappe d’abord dans Moi capitaine, c’est le naturel avec lequel Matteo Garrone réalise ce long périple d’une jeune sénégalais de 16 ans vers l’Italie. Et nous fait entrer de suite dans son histoire. Tout paraît ici crédible de la famille aimante à la mère étouffante de Dakar, jusqu’aux prisons libyennes dans lesquelles se pratiquent le chantage financier à la torture.

Une histoire vraie de Dakar à la Sicile

La traversée du désert de Seydou et Moussa.

C’est la première originalité de ce beau film d’exode : reconstituer l’intégralité du périple d’un jeune migrant à travers les paysages d’Afrique, sans le limiter au dernier segment (poignant) de la traversée de la Méditerranée.

Matteo Garrone n’élude rien de l’exploitation humaine, des conditions terribles de la survie laissant des morts au voyage, mais parvient à le faire en toute sobriété, sans misérabilisme ni angélisme. En construisant son héros à partir de plusieurs histoires vraies de migrants pour le rendre encore plus crédible et universel.

Un réalisme souvent impressionnant qui se double comme beaucoup de films de Garrone de la présence du conte et des esprits. Ainsi les morts accompagnent incidemment de leurs esprits le jeune Seydou dans son périple, comme le récit épique et emblématique d’une bonne partie de l’Afrique d’aujourd’hui.

Moi capitaine, la révélation Seydou Sarr

On ne voit pas passer les deux heures de ce voyage extraordinaire, à la fois on ne peut plus actuel et universel, populaire dans sa forme, et profondément original dans son traitement. Les jeunes acteurs sénégalais ont la même foi et la même crédibilité que leurs personnages, à commencer par l’incroyable Seydou Sarr, qui porte une cause plus grande que lui de la première à la dernière image.

A travers l’itinéraire de ce jeune homme qui prend sa responsabilité de « capitaine » pour se créer un avenir dans un monde désorganisé, ce beau film d’une force rare nous renvoie sans le moindre discours plaqué à notre impuissance déshumanisée. En offrant sans cesse une leçon de vitalité et d’espoir. Impressionnant.

Moi, Capitaine de Matteo Garrone (It-Bel-Fr, 2h02) avec Seydou Sarr, Moustapha Fall, Issaka Sawadogo… Sortie le 3 janvier.