Tapie est un person­nage telle­ment grand qu’il dépasse forcé­ment le cadre de la fiction et cela même sur 7 épisodes plutôt réus­sis. Son nom qui ne cesse d’avan­cer et de gros­sir d’épi­sode en épisode dans le géné­rique expose bien ce concept. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste il y a quelque chose de fasci­nant dans le parcours over the top de Bernard Tapie et repré­sen­ta­tif de tout un pan de l’His­toire française de la fin du XXe siècle. Un destin comme capsule tempo­relle et vecteur des dérives de toute une époque.

Le yacht, mais pas celui de Sarko­zy…

Le blues du busi­ness­man vu par le prisme du film de gang­sters

Certes, on le savait déjà avant de décou­vrir la série et c’est peut être un peu dommage et facile que d’ap­pliquer le schéma devenu clas­sique (ou cliché c’est selon) du rise and fall à la Scor­sese sur sa vie (la série commence en prison). Le chemin des busi­ness­men vu par le prisme du film de gang­sters en somme. Un autre angle aurait été bien­venu quand même.

Force est de consta­ter que Laurent Lafitte est vrai­ment très bon dans la peau d’un Nanard moitié réaliste-moitié inventé. Entre autres grâce à sa gestuelle toujours en mouve­ment et son phrasé parti­cu­lier qui retrans­crivent assez bien le charisme natu­rel, le côté sévè­re­ment burné et toutes les contra­dic­tions de l’homme d’af­faires. Un véri­table person­nage de cinéma plus grand que la vie à la fois affable et repous­sant, mani­pu­la­teur et mani­pulé, intel­li­gent et candide, menteur et naïf.

Tapie, l’homme qui vendait des télé­vi­sions avant de passer dedans

À ce propos, la scène avec le procu­reur Éric de Mont­gol­fier dans le dernier épisode est la meilleure de toute la mini-série (7 épisodes quand même), puisqu’il trouve plus fort que lui, que les masques tombent enfin et montre l’en­fant qu’il est fonda­men­ta­le­ment. D’au­tant que l’au­teur de ces lignes a grandi avec, puisqu’il le voyait tout le temps (comme tout le monde j’ai envie de dire) à la télé­vi­sion étant gosse. Et ça la série le repré­sente très bien : l’idée d’un homme qui vendait des télé­vi­sions avant de passer dedans et qui finira par deve­nir une télé­vi­sion à lui tout seul.

Tapie, presque un homme prési­den­tiel… (Laurent Lafitte et José­phine Japy)

Un spec­tacle perma­nent ou comme on le dit aujourd’­hui en commu­ni­ca­tion ou en poli­tique du pur story telling. D’ailleurs impos­sible, vu que c’est réalisé par Tris­tan, le fils de Jacques « Rolex » Séguéla, de ne pas penser à Emma­nuel Macron qui, comme dans de la fable de La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le bœuf se rêve en nouveau Bernard Tapie. L’aura, les origines et la popu­la­rité en moins… Décep­tion en revanche de ne pas avoir vu sa marion­nette des Guignols de l’info. Rafael Lorenzo

Tapie, une série créée par Tris­tan Séguéla et Olivier Deman­gel (Fr, 2023, 7×55′) avec Laurent Lafitte, José­phine Japy, Fabrice Luchini, Camille Chamoux, Antoine Rein­hartz… Visible sur Netflix.