On commence notre panorama du festival Lumière avec Sidney Lumet, rétrospective coup de coeur avec nombre de grands films connus ou moins connus, d’Al Pacino à Sean Connery en passant par River Phoenix.

Il faut avoir vu Un après-midi de chien, un des grands films de Lumet, pour savoir ce que vaut son réalisme quand il s’agit de filmer un braquage (en quasi temps réel), une ville (sa ville, New York) et diriger un acteur (Al Pacino dans son plus grand rôle, qui allait devenir la star qu’il est aujourd’hui). Il faut aussi avoir vu ce Dog day afternoon pour découvrir toute son acuité sociale. Notamment à travers cette scène ahurissante pour 1975, celle du petit ami de Sonny / Al Pacino qui s’est “toujours senti femme à l’intérieur” et pour qui Sonny commet son braquage afin de financer l’opération de son changement de sexe. Quel autre cinéaste aurait osé en plein film de casse insérer avec une telle gravité la problématique du changement de sexe à travers un braqueur marié, mais gay et amoureux ? Sidney Lumet est bien le cinéaste des grands problèmes de société : la justice et sa conviction populaire (Douze hommes en colère), les médias et leur aliénation (Network), les sévices et abus de pouvoir des autorités (La Colline des hommes perdus, The Offence, envoyant son acteur fétiche, Sean Connery, à des années lumières de James Bond), ou encore la désintégration familiale sous le joug de la cupidité et de la corruption (7h58 ce samedi-là, dernier film et dernier chef-d’oeuvre).

Martha Plimpton et River Phoenix dans A BOUT DE COURSE (RUNNING ON EMPTY) de Sidney Lumet (1988 Prod DB © Lorimar Films)

Formaliste et démocratique 

Mais c’est aussi un cinéaste qui aborde les problèmes sociaux, souvent avant tout le monde, par un angle original (les conséquences de la Shoah dans la société capitaliste d’aujourd’hui avec le très singulier Prêteur sur gages), un dilemme moral et un art consommé de la mise en scène.Y compris à travers des films extraordinairement formalistes : le huis-clos étouffant de Point Limite, sorte de Dr Folamour sérieux sur la guerre nucléaire (longtemps éclipsé par le film de Kubrick alors qu’il avait été tourné avant, mais est sorti après…), ou l’extraordinaire étude psychiatrique d’Equus avec un Richard Burton exceptionnel, qui marque aussi son dialogue permanent avec le théâtre. Avec peut-être plus beau que tout A bout de course dont un certain Bertrand Tavernier avait perçu immédiatement la grandeur à sa sortie. Un portrait familial des désillusions d’une certaine gauche activiste, pour savoir ce qu’il reste – ou ne reste plus – de l’utopie des années 70 – à travers l’émancipation de leur fils pianiste, feu River Phoenix. Un film qui dit tout de la fameuse “perte d’idéaux” d’aujourd’hui, sans concession, mais en restant toujours profondément attaché à l’humanisme qui irrigue ce grand cinéaste de gauche, sans oeillères ni concessions. Sans doute le plus grand cinéaste démocratique américain.

Nos Lumet préférés présentés pendant le festival :

Les Immanquables : A bout de course, Un après-midi de chien, La Colline des hommes perdus, 7h58 ce samedi-là, Douze hommes en colère, Point limite, Network, Equus. Sans compter les comédies pour se détendre entre deux films : Le Gang Anderson, Le Crime de l’Orient-Express.

Sidney Lumet au festival Lumière, 16 films du 15 au 23 octobre dans tout Lyon, dont deux documentaires.

LA COLLINE DES HOMMES PERDUS (THE HILL) de Sidney Lumet avec Sean Connery (1964 Prod DB © MGM / DR)