Happy les fans d’Apichatpong Weerasethakul (vous me le copierez dix fois). Arte diffuse gratuitement un des plus beaux opus du réalisateur thaïlandais, palmé d’or pour Oncle Boonmee, et auteur auparavant de Tropical Malady, grand film d’amour expérimental dont on ne sait jamais véritablement remis. Rien de tel pour entamer votre détox après le fêtes et l’hystérie sanitaire ambiante : Cemetery of splendour est un film radieux, suspendu, qui irradie encore longtemps après sa projection, même après l’avoir vu à la maison. Une œuvre somme, mais aussi – toute proportion gardée – sans doute le film le plus linéaire et le plus accessible de son réalisateur. On y retrouve des soldats alités sous l’emprise d’une mystérieuse maladie du sommeil, soignés par une veuve bénévole adepte de massage et de méditation. Les fans comme nous pourrait presque y reconnaître des plans de Tropical Malady justement, ou de Syndromes of The century, comme la séance d’aérobic finale dans ce rêve autobiographique tourné à Khon Kaen, ville natale du réalisateur. On retrouve surtout l’art d’habiter les plans fixes par un des plus grands génies du cadre depuis les frères Lumière (on pèse nos mots, sans être sous l’emprise de l’alcool).

L’hôpital, ses songes et ses fantômes dans Cemetery of splendour.

Là-haut

Rien de nouveau dans la thématique de Weerasethakul :  » La mer n’obéit a aucun schéma. On ne peut empêcher les rêves, mieux vaut en être conscient« , fait-il dire à son héroïne. Soldat qui bande sous les draps, jardin à la Jurrassic Park, allusion à Superman ou à la série B thaïlandaise, vestiges de la civilisation khmère dans une forêt des songes… les fantômes de l’enfance du réalisateur sont toujours là mais auront rarement été montrées avec autant d’humour (souvent érotique) et de poésie. Jusqu’à des plans absolument sublimes de profondeur de champ, déclenchant de véritables ouvertures spirituelles (les fenêtres de l’hôpital ouvrant sur la forêt), ou des tableaux de l’au-delà ici et maintenant, comme ce plan de ciel bleu contaminé par une bulle d’eau. Cemetery of splendour ne contient rien de moins que parmi les plus beaux plans qu’on puisse voir au cinéma aujourd’hui. Un film qui ne cesse encore de grandir à la deuxième vision, mais commencez déjà par une première : bonne année, c’est gratuit !

https://www.youtube.com/watch?v=pYgWFKWL1SE
Bande annonce originale de Cemetery of splendour.

Cemetery of splendour d’Apichatpong Weerasethakul (2015, Tha, 1h54) avec Banlop Lomnoi, Jenjira Pongpas, Jarinpattra Ruengram…. Disponible jusqu’au 10 janvier sur le Replay d’Arte