C’est un projet totalement atypique dans le cinéma français. En 2014, Fanny Liatard et Jérémy Trouilh ont vent de la cité Gagarine à Clichy à l’architecture futuriste, inaugurée en son temps par le célèbre astronaute russe. Naît alors l’idée d’un rêve : raconter l’histoire d’un jeune Black de banlieue qui voudrait devenir cosmonaute dans le sillage du parrain de sa cité. Voulant réaliser un film « résolument positif », à rebours des clichés sur les banlieues qui ont mal vieilli, ils recueillent nombre de témoignages des habitants avant de créer leur scénario de pure fiction, incarnés par des comédiens professionnels.

Le jour se rêve

Faire entrer une fiction spatiale dans une cité à l’architecture futuriste, c’est le parti pris de ce premier film pas comme les autres, mêlant images d’archives sur la création de la cité dans les années 60, et contamination visuelle par la SF à l’intérieur des lieux mêmes de la cité, où ils ont pu tourner pendant deux mois en 2019 juste avant leur destruction. Film de témoignage par sa topographie, ambitieux par son inspiration visuelle, Gagarine ose tout, et même des scènes de baiser et d’amour sensuelles assez inédites dans les films de banlieue, en plus d’un clin d’œil à la féerie en trompette d’un Fellini.

Alseni Bathily et Lyna Khoudri.

Les caméos de stars (Finnegan Oldfield et Denis Lavant) n’apportent pas grand-chose, mais ont sans doute permis à cette drôle d’utopie urbaine de voir le jour, et c’est bien l’essentiel. Tourné avec la splendeur du Cinémascope et des couleurs chaudes, son mélange permanent de réalisme doux et d’onirisme bienveillant en fait une petite merveille du monde périphérique, sur lequel le cinéma français se penche rarement avec une approche aussi originale.

Gagarine de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (Fr, 1h38) avec Alseni Bathily, Lyna Khoudri, Finnegan Odlfield… Sortie le 23 juin.