L’Institut Lumière rouvre ses salles avec la rétrospective « Face B », ou comment redécouvrir l’histoire du cinéma avec des classiques pas toujours reconnus à leur juste valeur… en leur temps. Petite sélection en 3 films.

La Fièvre dans le sang

A la fois pamphlet social bidonnant contre l’Amérique puritaine et mélo flamboyant sur l’amour fou avec une Natalie Wood touchée par la grâce, c’est sans doute l’oeuvre qui croise le mieux chez Kazan la rage des sentiments individuels et l’écrasement de la conscience collective, dans un Technicolor insolent. Avec sa direction d’acteurs hors pair Actor’s studio, Kazan parvient aussi à toucher du doigt l’amour à en perdre la raison, allant jusqu’à filmer le glissement vers la psychiatrie et l’internement avec le dernier réalisme. Kazan était particulièrement satisfait de la fin et il avait raison : il faut avoir vu Natalie Wood, guérie, retourner voir l’homme qu’elle a désiré jusqu’à la folie avoir un enfant avec une autre, et repartir digne, rassérénée, pour savoir ce qu’aimer veut dire. Une des plus belles séquences de l’histoire du cinéma qui fait de Splendor in the grass un pur chef-d’oeuvre. Il faut en profiter : de plus en plus rare, l’Institut Lumière permet de voir le film grâce à une copie 35mm de collection.

Splendor in the grass d’Elia Kazan (EU, 1961, 2h04) avec Natalie Wood, Warren Beatty, Barbara Loden… Photo : Warner Bros.

Jusqu’au 22 septembre. Trailer original << ici >>. Toutes les séances << ici >>.

ShirleyMacLaine et Jack Lemmon dans La Garçonnière de Billy Wilder.

La Garçonnière

Juste après Certains l’aiment chaud, Billy Wilder retrouvait Jack Lemmon pour un autre de ses plus beaux films, La Garçonnière. Le film est moins connu, il a pourtant raflé cinq Oscars en 1960. Comédie romantique sur le blues d’un célibataire, employé anonyme dans une grande société d’assurance, La Garçonnière met en scène le plus beau des chassés-croisés amoureux : Baxter (Jack Lemmon) prête son appartement à son patron pour ses 5 à 7 clandestins, mais celui-ci y vient avec la liftière que Baxter croise tous les jours dans l’ascenseur et dont il est secrètement amoureux (ShirleyMacLaine, irrésistible et fragile). Jusqu’au jour où Jack Lemmon va devoir consoler celle qui vient régulièrement chez lui sans le savoir et dont il prend grand soin… sans oser la toucher, de peur de trahir son patron. Scénario d’orfèvre, critique en sourdine de l’American way of life entièrement soumise au travail au détriment de la vie personnelle, The Apartment est une réflexion subtile sur la liberté qu’on s’accorde à soi-même (ou pas), surtout quand il s’agit de la sincérité de ses sentiments. Sublimé par un noir et blanc qui souligne la grisaille dans laquelle vivent les personnages, c’est la seule comédie vraiment mélancolique de BillyWilder, douce-amère comme les amours manquées.

The Apartment de Billy Wilder (EU, 2h05) avec Jack Lemmon, ShirleyMacLaine, Fred MacMurray…

Du vendredi 18 septembre au dimanche 4 octobre. Trailer original << ici >>. Toutes les séances << ici >>.

Claudia Cardinale en femme éternelle dans Huit et Demi.

Huit et demi

C’est le chef-d’œuvre absolu de Fellini, moins amer et plus lumineux que La Dolce Vita. En attendant les souvenirs d’enfance en Technicolor d’Amarcord qu’il tournera dix ans plus tard, le cinéaste italien signe en 1963 l’autobiographie d’un cinéaste adulte en pleine crise de création. « Je voulais faire un film honnête, sans tricherie, simple » dit Marcello, son alter ego dans le film. « Au lieu de ça je me retrouve en pleine confusion à ne rien pouvoir enterrer des mensonges. Le bonheur consiste à dire la vérité sans que personne dut en souffrir. Pourquoi ça n’a pas marché ? Pourquoi toute cette tristesse ? » ajoute-t-il. Mais là où La Dolce Vita se concluait sur une amertume, comme le note son biographe Tullio Kezich, Huit et demi conjure les doutes de son personnage par une « tonifiante explosion de génie ». Prince de l’architecture au cinéma, Fellini y invente un art poétique à l’inspiration visuelle époustouflante, que le noir et blanc rend paradoxalement encore plus moderne aujourd’hui. Huit et demi déborde de tendresse et de luminosité, se terminant sur un petit enfant qui joue du pipeau en hommage au cirque et au music-hall qui ont traversé toute l’œuvre du cinéaste, sur la musique de Nino Rota. Résolument optimiste, c’est aussi et surtout un conte philosophique sur la quête du bonheur, récit d’une renaissance amoureuse et artistique, le film le plus blanc de l’histoire du cinéma, irradiant de candeur s’ouvrant par une des plus belles scènes surréalistes jamais tournée au cinéma. Avec en prime l’apparition de Claudia Cardinale en femme éternelle, ce qu’elle n’a jamais cessé d’être. L.H.

Otto e Mezzo de Federico Fellini (1963, It, 2h18) avec Marcello Mastroianni, Claudia Cardinale, Anouk Aimée… Du samedi 26 septembre au dimanche 4 octobre. Bande annonce en français d’époque << ici >>. Toutes les séances << ici >>.