Jean-Jacques Annaud a toujours eu le goût des défis hors-normes lui confé­rant une place à part dans le cinéma français, et au-delà. Que ce soit pour filmer un ours comme person­nage prin­ci­pal, recons­ti­tuer La Guerre du feu sans dialogue au temps de la pré-histoire ou emme­ner Brad Pitt sur les hauteurs dans la neige de Sept ans au Tibet. Gonflé, il s’at­taque ici à peine trois ans après au gigan­tesque incen­die qui a ravagé Notre-Dame en avril 2019. Ce qui lui permet de retrou­ver son sens du grand spec­tacle après quelques films mineurs. Après un prologue digne de l’of­fice du tourisme de la Ville de Paris (Anne Hidalgo tient d’ailleurs au début de l’in­cen­die son propre rôle dans son véri­table bureau, aussi fugace que dans un sondage pour l’élec­tion prési­den­tielle), les séquences d’in­cen­die sont souvent stupé­fiantes, de la circu­la­tion dans les combles au milieu de la char­pente aux pures séquences d’ac­tion au milieu des flammes, jusqu’aux jets d’eau sur les cloches qui ouvrent le film. Notre-Dame brûle étant avant tout une façon de rendre justice au travail excep­tion­nel des pompiers, détaillant leurs moyens d’in­ter­ven­tion et leur courage, jusqu’au finale héroïque d’un anonyme dans le beffroi Nord qui permet­tra d’éteindre le feu.

La guerre du feu

Mais Notre-Dame brûle signe aussi une nouvelle manière pour Annaud à partir d’un énorme travail d’enquête, entre­mê­lant avec une maes­tria bluf­fante décors natu­rels, vues du ciel impres­sion­nantes, recons­ti­tu­tion et archives sous forme de repor­tages TV ou web (parfois en split-screen). Avec même des images inédites de l’in­cen­die estam­pillées du minis­tère de l’In­té­rieur. C’est ce qui nous vaut en marge de l’in­cen­die quelques séquences d’ob­ser­va­tion sociale assez déso­pi­lantes même si elle ne repré­sentent pas ce que le film fait de plus léger. On apprend beau­coup des dysfonc­tion­ne­ments en chaîne qui ont provoqué le désastre, et les nombreuses télé­vi­sions étran­gères qu’An­naud montrent à l’écran pour pouvoir co-produire son film à l’in­ter­na­tio­nal, ne manque­ront pas de se moquer de l’in­com­pé­tence de ceux qui avaient charge de la sécu­rité du bâti­ment.

Anne Hidalgo, Macron et les Vélibs

Annaud rend hommage aux pompiers et aux catho­liques (les deux se super­po­sant parfois), mais se moque des fonc­tion­naires, comme il brocarde les Velib et vélos de la Ville de Paris qui marchent mal ou empêchent les pompiers de passer (la séquence très drôle du régis­seur de la Cathé­drale traver­sant tout Paris pour pouvoir sauver la Couronne d’épines). Ce n’est pas l’es­sen­tiel, mais ce Notre-Dame brûle est aussi en fond une comé­die poli­tique sur fond de Gilets jaunes (cités dans le film), avec ces héros du quoti­dien que sont les hommes du feu, qui font la nique jusqu’au Président de la Répu­blique. Instruc­tif et diver­tis­sant.

Notre-Dame Brûle de Jean-Jacques Annaud (Fr, 1h50) avec Samuel Labarthe, Pierre Lottin, Mikaël Chiri­nian, Elodie Navarre, Jean-Paul Bordes… Et dans leurs propres rôles Anne Hidalgo et Emma­nuel Macron. Sortie le 16 mars. Dispo­nible en IMAX dans certaines salles Pathé.

Jean-Jacques Annaud sur le tour­nage de Notre-Dame brûle (photo David Koskas).