Elle ne voulait pas y aller. C’est par le truchement d’un vol annulé que Freddie alias Frédérique Benoît, Française au minois coréen, se retrouve à Séoul, là où elle est née, de parents inconnus. Le film suit son périple à la poursuite d’une quête des origines qu’elle n’a pas vraiment choisie. C’est la belle idée de Retour à Séoul : traiter de l’adoption et de la naissance dans un pays étranger dans tous les sens du mot, en fuyant comme la peste l’angélisme de la réconciliation avec soi-même quand il s’agit du retour aux origines.

Park Jim-In dans un café de retour à Séoul.
Park Jim-In en pleine incompréhension dans un café de Séoul.

Non seulement Freddie ne va pas se retrouver, mais faisant le (bon) choix de comédiens non-professionnels à commencer par l’étonnante Park Jim-In avec qui le réalisateur a bataillé pendant le tournage, Davy Chou fait le choix de l’aspérité, et filme avec sa caméra posée sur les agitations de son personnage, avant tout les résistances et les malentendus qu’on surprend sur les visages, d’une culture à l’autre.

Park Jim-In souriante tournant le dos à la cuisine de jeunes hommes.
Park Jim-In, souriante pour une fois…

Freddie, un personnage un peu auto-centré comme le film

A ce jeu-là, le minois de Park Jim-In, à la fois revêche et beau, est un poème d’émotions successives, qui s’inscrivent comme par magie à l’instant où elle les éprouve. Même si paradoxalement, Davy Chou finit par s’autocentrer avec elle sur sa seule et unique obsession, rétive : refuser les avances d’un père, et les coutumes d’un pays, à force de se revendiquer Française envers et contre tout.

C’est la petite faiblesse du film dans sa première partie : pas aimable, Freddie finirait presque par ne pas être intéressante tant on ne sait rien d’autre d’elle, que ce qui la réduit précisément à ses origines. Le milieu d’artistes très arty dans lequel évolue le film (Park Jim-In est aussi plasticienne dans la vraie vie) est lui aussi trop peu fouillé pour ne pas apparaître superficiel.

Sans compter la méchanceté de cette mégère avec des hommes qui prennent pourtant le temps de l’aimer. « Je peux te sortir de ma vie d’un claquement de doigts » dit-elle sur la banquette arrière d’un taxi, le plus gratuitement du monde, au beau gosse qui a pris la peine de l’accompagner (le pauvre Yohann Zimmer, déjà vu dans La Fille inconnue des frères Dardenne). Elle ne s’en privera pas.

Reste la douce confrontation avec les paysages d’une Corée du Sud évoluant sur huit années, et une scène finale enfin émouvante, comme un point d’aboutissement, superbement mise en scène sans rien perdre de sa lucidité. Se cherchant pour mieux se trouver in fine, ce Retour à Séoul n’est vraiment pas un film comme les autres. Et, pour l’anecdote, ce n’est pas toujours les jours qu’on découvre un film d’un ancien élève au lycée du Parc. Il a été bien formé…

Retour à Séoul de Davy Chou (De-Cor, 1h56) avec Park Ji-Min, Oh Kwang-Rok, Kim Sun-Young, Louis Do de Lancquesaing, Régine Vial, Yohann Zimmer... Sorti le 26 janvier.

Scène de table avec des jeunes et des bières dans retour à Séoul.