Présenté au festival Les Ecrans du doc, Sept hivers à Téhéran reconstitue les longs mois de Reyhaney Jabbari, figure de la lutte des femmes en Iran, depuis son arrestation jusqu’à son exécution. En dressant un portrait saisissant de la société iranienne telle qu’on la voit rarement et un témoignage émouvant de la famille.

Condamnée à mort par pendaison en 2014, Reyhaney Jabbari est devenue un des emblèmes de l’oppression des femmes en Iran. Un documentaire passionnant est diffusé en avant-première au festival Ecrans du doc pour reconstituer son histoire. Son crime ? Avoir poignardé l’homme qui avait tenté de la violer en 2007. Si le film est allemand (sa mère et ses soeurs qui témoignent à visage découvert se sont réfugiées à Berlin depuis), c’est bien la société iranienne qui nous gicle à la figure à chaque plan, dans ce document truffé de plans volés d’une prison l’autre, en plein Téhéran.

On y découvre l’horreur des jugements islamistes arbitraires, mais aussi l’ambiguïté d’une société dans laquelle à côté de la “loi du talion” subsiste clandestinement un juge qui tente d’approfondir la vérité de l’enquête avant d’en être désaisi, la joie d’une famille dont un père peut dire qu’il a favorisé le droit ou l’éducation de ses filles dans une société qui les méprise, ou la solidarité de détenues pour surmonter ce qu’elles ont vécu, comme cette autre jeune femme qui raconte qu’elle attendait son père lorsqu’elle a été abusée chez elle… avant de découvrir sur c’est précisément son père qui avait organisé le rendez-vous en conscience…

La mère de Reyhaneh Jabbari témoignant dans Sept hivers à Téhéran.

Reyhaney Jabbari, une jeune femme face à la barbarie

Quelle stratégie, y compris médiatique, adopter face à la barbarie ? Vaut-il mieux tenter de la contourner pour vivre ou l’affronter sans sourciller jusqu’à la mort ? Ce sont ces divergences cornéliennes que le film de Steffi Niederzoll donne à voir, en plus de rappeler avec le dernier réalisme à travers des documents sonores ou visuels, l’état des prisons iraniennes, la mentalité des quidams qui laissent prospérer souvent avec autant d’ambiguïtés que de lâcheté la loi islamique.

Et surtout la mémoire de cette jeune femme quand il se s’agira, sept hivers plus tard, d’être finalement inscrite sur la liste des “peines à exécuter” alors qu’auparavant sa peine, qui doit être validée par la famille adverse avec le dernier sadisme, n’était jusqu’ici que prononcée. Humainement, politiquement et juridiquement, c’est parfois rude mais toujours passionnant, y compris et surtout quand il s’agit de poser les bases d’une résistance efficace à l’oppression.

Sept Hivers à Téhéran de Steffi Niederzoll (Fr-All, 1h37) avec Reyhaney Jabbari et sa famille, son avocat et ses co-détenues. Sortie le 29 mars.