5 films du Président de l’Institut Lumière débarquent sur Netflix. Des fresques historiques à l’humanisme combattant, depuis La Vie et rien d’autre sur la première guerre mondiale, jusqu’à ses premiers films : L’Horloger de Saint-Paul, grand classique du Lyon des années 70 avec déjà une réflexion amère sur la justice, et la satire anti-monarchique débraillée Que le fête commence, réunissant son acteur fétiche, Philippe Noiret, avec ses deux compères Rochefort et Marielle. Mais c’est peut-être Le Juge et l’assassin, qui valut un César archi-mérité à Michel Galabru (à l’époque où les Césars se méritaient), qui nous impressionne le plus. Suivant la traque en Rhône-Alpes et dans toute la France du premier tueur en série français au XIXe siècle (Vacher en réalité, Bouvier dans le film), il est un des tout premiers films français à évoquer aussi crûment la pédophilie et les viols sur enfants. Mais dans la lignée de la réflexion sur la justice et l’injustice initiée avec L’Horloger de Saint-Paul, Le Juge et l’assassin ne se contente pas de reconstituer l’horreur des crimes de Joseph Vacher, il aborde aussi la question de la responsabilité pénale, des soins psychiatriques et de la folie du criminel au temps de la guillotine.

Pamphlet #MeToo avant l’heure

En grand humaniste, Bertrand Tavernier réussit le tour de force de montrer aussi bien la détresse que l’horreur des crimes de cet assassin enragé et illuminé, se faisant passer pour un anarchiste de Dieu. Mais il va même plus loin, en donnant à voir l’hypocrisie du juge petit-bourgeois qui assouvit en cachette une même animalité masculine, abusant de sa jeune maîtresse (Isabelle Huppert, jeune maman bouleversante de naïveté dans un de ses tout premiers rôles). Un véritable pamphlet #MeToo fustigeant toutes les formes abusives du pouvoir masculin, jusqu’aux plus officielles. Sous l’apparat de la redingote, le juge Rousseau incarné par Noiret buvant son Cornas n’en est pas moins misérable, tout aussi humain et faillible que l’assassin qui lui confie ses crimes., avec un supplément de veulerie propre aux mâles un peu trop installés dans leur fonction. Ahuri et méconnaissable, Michel Galabru est au sommet de son art. Tavernier le retrouvera quatre ans plus tard, à Lyon, pour Une semaine de vacances, tout en retenue, secrètement amoureux de Nathalie Baye. Il y sera tout aussi beau, dans un registre d’émotions totalement différent. Mais le film n’est pas encore disponible sur Netflix…

Bande annonce d’époque (1976) du Juge et l’assassin.