Commençons aussi dru que ce film choc en a sous le capot dès la scène d’ouverture : Titane est souvent très con, d’un cynisme et d’une complaisance pour la souffrance souvent insupportables, surtout dans sa première partie. C’est l’anti-Crash de David Cronenberg, à l’érotisme doux et aux mots chuchotés. Ici, point de salut ni de douceur. Une fois passé un accident de la route téléphoné, tout est hurlé, jailli, vomi, ensanglanté et pissé en sécrétions en tous genres, avec une ultraviolence physique et psychique qui cherche en permanence la sidération, et une obsession pour la maltraitance au féminin qui laisse pantois. Vous voilà prévenus. De ce point de vue, la première partie est presque inutile tant elle est ratée, à vouloir provoquer à tout prix un malaise chez les spectateurs qui n’ont rien demandé. Et pourtant Titane, comme son titre l’indique, résiste à tout, même à son interprète principale, téméraire, kamikaze, mais actrice parfois embarrassante, quand elle doit commencer à jouer plus que s’exhiber, notamment le temps d’une danse épicène franchement ratée.

Vincent Lindon sans l’habit.

Viriliste pour toutes

Car Titane n’est pas non plus un film transgenre à proprement parler (on vous laisse le découvrir la fin), plutôt un film « viriliste pour toutes » en quelque sorte, sa façon à lui d’être « inclusif« , selon le mot de sa réalisatrice. Et pourtant, le temps d’une danse de pompiers en état de grâce, puis d’un incendie et d’un finale estomaquant, le miracle a bien lieu.

Vincent Lindon avec l’habit.

Le film trouve son rythme petit à petit dans sa seconde partie, impose ses visions cauchemardesques, développant sans cesse des pistes de scénario qui finissent par aboutir à son véritable sujet : dépasser la monstruosité de la filiation à travers un film de vengeance ultime. On se serait volontiers épargné le calvaire de la première demi-heure, mais aussi imparfait et agaçant soit-il, il y a bien du cinéma dans Titane, et un cinéma d’un nouveau genre celui-là, pourvu qu’on accepte d’en payer le prix. Ce qui n’est jamais une obligation.

Titane de Julia Ducournau (Fr, 1h48) avec Agathe Rousselle, Garance Marillier, Vincent Lindon, Bertrand Bonnello… Palme d’Or au festival de Cannes 2021. Sortie le 14 juillet.