C’est l’événement lyrique de cette fin d’année. Mais si vous voulez aller voir Candide de Leonard Bernstein à l’Opéra de Lyon, allez-y pour la musique ! Pour le reste, vous ne verrez qu’un plateau nu, des chaises, une bulle géante comme seul accessoire et… un peu de mousse ! Pas de quoi fêter la nouvelle année ! Erreur fatale : pour sa première mise en scène à l’opéra, Daniel Fish a choisi de ne pas mettre en scène la musique et de lui « opposer » quelque chose, selon ses propres termes, avec des « groupes de mots chorégraphiques » (sic) délibérément inaboutis (on marche, on s’asseoit, on ne danse pas), pour ne pas faire « comédie musicale« . Sans doute ne savait-il pas qui était Bernstein

Le jet de mousse, climax de la mise en scène de Daniel Fish. (photos Bertrand Stofleth)

Quand on se prend pour Forsythe, il faut savoir danser…

Bref, vous ne risquez pas d’embarquer pour Broadway, mais resterez dans les coulisses d’une production américaine qui veut faire du post-modern opera comme il y a eu de la post-modern dance. C’est déjà daté, mais surtout, quand on se prend pour William Forsythe, il faut savoir danser ! Il ne suffit pas de « déconstruire » et de nous dire que « tout s’effrondre » dans des interludes philosophiques ajoutés au micro entre les numéros par un MC au demeurant de grande classe, figure typique de l’intello new-yorkais. Daniel Fish appartient à cette catégorie de metteurs en scène qui se croient plus intelligents que l’oeuvre qu’ils montent, se flattant de nous montrer l’état de leurs réflexions en oubliant d’en faire un spectacle. Rampe de lumière rose pour l’optimisme, blanche pour le religion, voilà tout de la rencontre détonnante entre Voltaire et Bernstein. Exit la danse, la musique, le pamphlet politique et surtout l’humour (cruel) qui constitue le coeur de l’oeuvre. Ne reste qu’un commentaire infatué de son propre travail en guise de mise en scène, dommage.

Wayne Marshall, un grand chef britannique pour diriger Candide.

Wayne Marshall, un grand chef à l’Opéra de Lyon

Heureusement, il y a un grand chef au pupitre (black, enfin !), Wayne Marshall, qui dès les premières secondes de la rutilante ouverture, fait claquer de main de maître tout ce qu’il y a d’énergie scintillante dans la musique de Bernstein. Le contraste est effectivement total avec la mise en scène de Fish : les vocalises sarcastiques de la Cunégonde de Sharleen Joynt dans son tube Glitter and be gay feraient se soulever la foule et le merveilleux Paul Appleby est un Candide moelleux au chant ensorcelant, dans la plus belle tradition anglo-saxonne des partitions de ténor d’un Benjamin Britten. L’orchestre de l’Opéra de Lyon reste un des plus ductiles et des plus expressifs de sa génération. Chatoyance, rythmes combinés, éclats métalliques, couleurs de l’orchestration, mise en place au cordeau des choeurs omniprésents qui constituent le personnage principal), le chef britannique (qui a déjà dirigé Candide à Berlin), nous transporte à chaque numéro instrumental dans le meilleur de la musique américaine. C’est déjà ça. En prime, Wayne Marshall dirigera aussi à l’Opéra le Réveillon à Broadway du 31 décembre. Vous pouvez y aller les yeux fermés.

Candide de Leonard Bernstein. Direction musicale Wayne Marshall. Mise en scène Daniel Fish. Jusqu’au 1er janvier à 20h à l’Opéra de Lyon, Lyon 1er (2h20 avec entracte, dim 16h). De 10 à 110 €.