La promotion de l’exposition itinérante Hyperréalisme, Ceci n’est pas un corps trompe un peu sur la marchandise. L’image multi-diffusée de ce bébé géant (4,50 mètres) encore sanguinolent de sa mise au monde, échoué comme un veau de mer sur la banquise, est aussi impressionnante que placée dans un registre gore dérangeant. Ils sont loin les angelots potelés de Raphaël… On pourrait croire que cette exposition privée, déjà passée avec succès à Bilbao, Canberra, Rotterdam, Liège et Bruxelles tient plus du spectacle de foire et de l’attraction touristique que de l’art. Et pourtant, une simple visite, parmi les œuvres de 40 artistes majeurs du mouvement hyperréaliste, montre exactement le contraire. Exclusivement dédiée à la statuaire, l’exposition est aussi fascinante pour ses exploits techniques – une imitation de la réalité souvent bluffante en sculpture ou en moulage, en  résine ou en marbre – que pour les intentions diverses des artistes.

Jeu de dupes et fragilité des corps

L’entrée en matière surprend plus d’un visiteur (attention divulgachage) : alors que l’on pense ne pas encore avoir franchi l’entrée de l’exposition, on aperçoit une pauvre femme de dos, la tête cachée dans un sac, penchée contre le mur. Alors que l’on s’apprête à demander s’il y un médecin dans la salle, un cartel au sol (une affichette en langage expo) indique qu’il s’agit d’une œuvre de Daniel Firman. Cet « artiste international » lyonnais, dont une série de sculptures représente des personnes à la  tête masquée par des objets de consommation divers, parfois même le contenu d’un chariot de supermarché, s’interroge manifestement sur la condition humaine, un peu désespérée.

Le gisant en marbre blanc de Tom Puckey en plein selfie. (photo Susie Waroude)

Plus loin, on se fera encore duper par un homme habillé, devant une femme nue à genoux, coudes au sol, comme en prière (ou en position de Pilates). L’homme se révélera être un simple spectateur, bien vivant, en extase devant une sculpture de Sam Jinks, dont le moindre détail évoque la chair vivante, le grain de peau, le réseau sanguin même… La femme, par contre, ne peut pas être réelle : c’est un modèle réduit. La vieille dame ridée, du même artiste, tenant dans ces bras un bébé ridé, exprime, de même la fragilité des corps et la fugacité de l’existence. La sculpture hyperréaliste, née dans les années 60, a non seulement fait un pied de nez à l’art abstrait, mais s’est aussi amusée à détourner les codes de la statuaire classique. On s’arrêtera notamment devant un buste en marbre de Fabio Viale imitant à la perfection le polystyrène, ou devant le gisant post médiéval de Tom Puckey, aussi en marbre blanc, en train de se prendre en selfie avec un lance-roquettes. 15 euros l’entrée certes, mais ça les vaut. Les faux billets ne sont pas acceptés.

Hyperréalisme, Ceci n’est pas un corps. Jusqu’au 24 juillet à la Sucrière, Lyon 2e Confluence. Du mardi au vendredi de 10h à 17h, de 10h à 18h samedi, dimanche, jours fériés et vacances scolaires. 15 €.

Hyperréalisme, ceci n'est pas un corps, la nouvelle expo de La Sucrière.