C’est l’exposition événement de cet automne. En plus de réaliser les films les plus contemplatifs du cinéma contemporain (son dernier film Memoria est actuellement à l’affiche ; lire aussi notre critique de Cemetery of splendour), errant à la lisière du royaume des morts et de celui des vivants, Apichatpong Weerasethakul — lauréat de la Palme d’Or en 2010 remise par Tim Burton — est aussi artiste plasticien et vidéaste. Comme vous pouvez encore le découvrir à l’Institut d’art contemporain (IAC) de Villeurbanne, avec la plus grande monographie en France consacrée au cinéaste thaïlandais. Une monographie en forme d’installations vidéo intitulée Periphery of the Night, dans laquelle on plonge comme dans un rêve.

La première salle, nimbée de rouge par l’écran, célèbre une couleur longtemps interdite par le gouvernement thaïlandais, qui faisait encore la chasse aux communistes à la fin des années 1950, avant de devenir la couleur d’une jeunesse en résistance. L’artiste donne le ton avec cette introduction : ses images amassées pendant 20 ans, comme autant de souvenirs sont à la fois poétiques, oniriques et politiques. Aux visiteurs de leur donner leur sens à partir de leurs propres souvenirs alors que le parcours les invite à plonger dans un état de semi- conscience pour une expérience immersive.

Le mystère de la nuit

L’exposition se poursuit dans les salles du musée plongées dans le noir, éclairées par à-coups par les vidéos projetées sur différents supports, comme autant de feux d’artifice intimistes que le cinéaste affectionne. On finit par se perdre comme dans un labyrinthe, guidé par les sons des installations. Dans cette pénombre aussi reposante qu’inquiétante, on croise toutes sortes d’images : des illusions d’optique en hommage à Méliès comme avec cette grand-mère allongée dans son lit dont la couverture semble prendre feu, une dormeuse (qui n’est autre que Tilda Swinton) dont les rêves apparaissent sur l’écran d’à côté, un bestiaire en pierre éclairé par l’intermittence de feux d’artifice, une main qui note sur un carnet le rêve de la nuit passée… Même si vous n’avez jamais accroché aux films d’Apichatpong Weerasethakul (ça arrive), réservez deux heures pour aller vous perdre dans cette exposition mystérieuse comme la nuit, traversée de belles fulgurances.

Periphery of the Night, exposition d’Apichatpong Weerasethakul. Jusqu’au dimanche 28 novembre à l’IAC à Villeurbanne. Fermeture du 2 au 24 août. Du mer au ven de 14 h à 18 h, le week-end de 13 h à 19 h. De 4 à 6 €. i-ac.eu