Jérôme Tomaselli, collectionneur passionnel, expose avec intelligence, par dévoilements et thématiques successifs, un fond important alimenté depuis 30 ans, essentiellement consacré à la peinture lyonnaise du XIXe et début du XXe siècle (mais pas que). La thématique actuelle ne peut être plus locale. Les amateurs de lyonnitude picturale, rompus à la visite des musées Paul Dini, Charles Couty – qui ont prêté certaines toiles – et de la Fondation Renaud (en ce moment, les filiations lyonnaises de Gustave Moreau) seront à nouveau ravis.

Le Rhône et l’ancien pont de la Guillotière, par Marc Aynard.

Voir Lyon en peinture

Le thème est… Lyon (et un peu la région quand même). Les autres découvrent, derrière les noms les plus notoires de l’école  lyonnaise (ou plutôt des écoles lyonnaises) des inconnus au bataillon de la palette. Comment une peintre comme Hélène Pourra (1835-1911) a-t-elle pu tomber dans les oubliettes ?

Sa vue de la propriété Desfût (au dessus de La Mulatière), présentant en fond une belle villa bordée de forêts et au premier plan des animaux de la ferme, fait œuvre d’une qualité photographique dénotant une rare maîtrise de la représentation végétale. La scène évoque un univers cossu, paisiblement rural, prêtant à la rêverie. Pour son malheur, ou plutôt le nôtre, sa carrière s’est interrompue à son mariage. C’était l’époque.

Soleil couchant sur Saint-Jean, par Pierre Combet-Descombes.

Carrand, Appian, Ravier, Combet-Descombes, Fusarro sont présents, comme les sujets de prédilection que sont les paysages champêtres, la cathédrale Saint-Jean, prise sous tous les angles (jusqu’à une magnifique toile du contemporain Giorda), l’Ile-Barbe, les bords de Rhône et de Saône. Cet entonnoir thématique donne l’occasion de percevoir les différences d’approches et de techniques sur un même sujet, ce qui, mine de rien, nous projette au cœur de la peinture.

Lyonnitude et vues de Lyon disparu

Autre angle passionnant, cette exposition est un témoignage historique d’un Lyon disparu. Les bateaux-lavoirs des berges non aménagées du Rhône (Auguste Morisot, vers 1892), le train de la Guillotière (Louis Beysson, vers 1900) ou une récente acquisition, l’imposant château de Pierre-Scize de Jean-Michel Grobon (1770-1853), rappellent que la ville ne cesse de se densifier, au risque de concevoir une nostalgie écologique rétrospective.

Verger au printemps à la Croix-Rousse, par Eugène Brouillard.

Dans cette exposition de haute qualité, dans laquelle les paysages supplantent les personnages, on sera surpris par une étonnante scène de foule. L’exubérante Sortie du bal masqué au Théâtre Bellecour en hiver (aujourd’hui la Fnac) de Théodore Levigne, datée de 1892, montre que les Lyonnais n’étaient pas aussi casaniers et pisse-froid qu’on a bien voulu les caricaturer. On se croirait dans la première scène orgiaque de La La Land.

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