Le Musée Jean Couty pour­suit sa poli­tique, intel­li­gente, de mémoire active du peintre Lyon­nais en le confron­tant, ou plutôt en le faisant conver­ser avec ses contem­po­rains. Après Dois­neau et de rares photos sur Lyon, voici Picasso, Dufy, Chagall, Fusaro, Braque, Buffet, Rouault, Van Dongen… Ces artistes (une quaran­taine au total) ont en commun d’avoir parti­cipé, entre 1951 à 1982 au Salon des peintres témoins de leur temps. Plusieurs, ici présents, ont été lauréats du grand prix du salon comme Ambro­giani, Brayer, Mentor, et on s’en doutait, Jean Couty.

Couty, peintre de la couleur.

Couty peintre de la couleur, régio­nal ou clas­sique

Il a parti­cipé à 23 éditions sur 31 ans d’exis­tence du salon. C’est ce qu’on appelle un habi­tué. Les œuvres de Jean Couty, dissé­mi­nées, occupent une large partie de l’ex­po­si­tion. C’est normal,  après tout, il reçoit chez lui  et cela permet d’ap­pré­cier la diver­sité de son travail. Couty « peintre régio­nal » a peint un hiver en Afgha­nis­tan, des vacances en Turquie, une danse afri­caine ou des jardins de Grenade. Couty « peintre clas­sique » (monu­ments, paysages, portraits) a innové avec un sujet qui l’est peu : les travaux du métro avec les lignes des grues et la rondeur des engins de chan­tier (le grand prix du salon en 1975). Couty, « peintre de la couleur » a repré­senté sa mère dans une atmo­sphère sombre, austère, en attente de l’iné­luc­table, qui pour­rait déco­rer un château des Carpates.

On remarque qu’il utilise beau­coup de matière, mais ce n’est rien par rapport à son ami de l’École Lyon­naise André Cottavoz, qui lui tartine. Son auto­por­trait, repris patiem­ment à coups de truelle pendant des années, est décrit par son auteur comme « très lourd » tant la masse de pein­ture est impor­tante. Il en émerge pour­tant un regard inter­ro­ga­tif et pas mal d’hu­ma­nité.

Edouard Herriot par Utrillo.

Balade à travers les grands peintres de l’époque

Il faut consi­dé­rer cette visite comme une ballade, une petite aven­ture pour l’œil, entre diffé­rents témoins d’une époque. On se demande comment Bernard Buffet a pu avoir un tel succès tant sa tech­nique semble tenir du système. Il est ici présent sous forme de « femmes désha­billées » (en sous-vête­ments, n’exa­gé­rons rien)) sur fond très sombre, beau­coup moins flip­pant mais tout aussi peu char­nel que sa période « clowns ». Un Picasso tardif reprend le thème clas­sique des baccha­nales que lui a insuf­flé l’œuvre de Pous­sin.

On se demande si l’étrange Édouard Herriot d’Utrillo n’est pas en train de piquer un somme diges­tif derrière un pot de fleurs. On envi­sage des points communs entre le Palais à Venise de Jean Jansem et la vue de Sète de Jean Fusaro (le seul survi­vant de toute la bande. Il vient de fêter ses 98 ans). Tout deux sont peints aux couleurs de l’in­cen­die, trahis­sant un soleil couchant. On s’ar­rête aussi sur une œuvre intri­gante de Jacques Villon « le dépiquage en Auriol » mêlant petits person­nages fine­ment dessi­nés et grands aplats de couleurs, loin de l’abs­trac­tion cubiste qui l’a fait connaître.

De nombreuses œuvres proviennent de collec­tions parti­cu­lières. Il faut profi­ter de leur mise en lumière momen­ta­née, pour un parcours de qualité, même si certains ont du mal à résis­ter à l’épreuve du temps comme le bouquet d’Ambro­giani, le nu de Marcel Gromaire ou l’af­fiche censée repré­sen­ter Brigitte Bardot, signée Van Dongen.

De Matisse à Chagall. L’aven­ture des peintres témoins de notre temps. Jusqu’au 28 janvier 2024 au musée Jean Couty, Lyon 9e. Du mer au dim de 11h à 18h. 6 €.