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Conçue avec le Musée du Louvre, l’exposition Poussin et l’amour au musée des Beaux-Arts de Lyon jette un regard neuf sur l’œuvre de Poussin, à travers une quarantaine d’œuvres rares ou inédites, en plus des chefs-d’œuvre du corps féminin érotisé du XVIIe siècle. Immanquable.

On ignorait qu’il était possible de jeter un regard neuf sur l’oeuvre de Nicolas Poussin (1594-1665). « Le plus grand peintre français du XVIIeme siècle » selon les commissaires d’exposition, pourtant largement décrypté, documenté, piedestalisé, a laissé l’image d’un monolithe de classicisme vertueux. Son génie est ciselé, remarquable, mais ses thématiques récurrentes peuvent présenter un aspect plombant pour nos contemporains. Les grandes scènes de bataille (L’Enlèvement des Sabines), l’histoire religieuse (Le Passage de la mer rouge) et son inlassable exploration de la mythologie antique en grandes fresques de plein air remplies de personnages, inspirée notamment des œuvres d’Ovide, inspirent un sentiment de virtuosité picturale et architecturale éthérée.

On ne compte plus les personnages tendant leur bras et leurs yeux vers le ciel dans des postures expressionnistes que n’aurait pas reniées le cinéma muet. Art philosophique, érudition datée… Et pourtant, on (re)découvre qu’il y a de la chair chez Poussin, et que l’Amour constitue aussi un thème central. La première partie de l’exposition, double présente de façon unique et régénérée une série de toiles issues de différents musées répondant à cette thématique.

Acis et Galatée, peinture de Niclas Poussin
Nicolas Poussin, Acis et Galatée (1627-1628, @ National Gallery of Ireland, Dublin).

Le corps féminin érotisé par des chairs vibrantes

Le tableau d’ouverture, son premier tableau connu, flatte notre rapport local déjà établi avec le peintre (deux récentes acquisitions par le musée). La Mort de Chioné a été peinte à Lyon vers 1622 répondant à la commande d’un soyeux. La volupté, les formes rondes et le pubis très évocateur de la pauvre Chioné terrassée par une flèche dans la bouche (sic) laissent peu de doutes sur les pulsions charnelles de l’auteur (il a 28 ans), dont on sait qu’il fut soigné pour une maladie vénérienne avant de se marier. Au détour d’une série flamboyante de chefs-d’œuvre, composés pour bonne part de scènes de bacchanales dans l’univers pastoral de la mythique Arcadie, on oublie vite les chevriers, les flopées d’Amours (angelots), les forêts et les pâturages pour constater que le peintre a consacré l’Amour idéal à travers le corps féminin érotisé par des chairs vibrantes. Et plus encore.

La main de Vénus épiée par deux satyres (vers 1626), paraît de prime abord posée pudiquement sur son entrejambe. Elle est en réalité une scène explicite d’onanisme. Le spectateur est ramené au rôle gênant des faunes lubriques. On n’est pas loin du camp naturiste du Cap d’Agde, sans la mer. La rencontre improbable entre Poussin et Picasso, qui occupe l’étage supérieur en deuxième partie, rappelle que Picasso ne peignait pas que des femmes en cube. Il avait notamment été inspiré par le maître français du XVIIe, jusqu’à reproduire une de ses œuvres. Cette autre collision ou conjonction brillante entre Poussin et un univers méconnu est assez dense pour faire l’objet d’un article à venir. F.M.

Poussin et l’amour et Picasso / Poussin / Bacchanales. Jusqu’au dimanche 5 mars 2023 au Musée des Beaux-Arts, Lyon 1er. Du mercredi au lundi de 10h à 18h, le vendredi de 10h30 à 18h. 8 €. Nocturne en musique avec le Concert de l’Hostel-Dieu vendredi 2 décembre de 18h à 22h.

Midas devant Bacchus, huile sur toile de Nicolas Poussin.
Nicolas Poussin, Midas devant Bacchus, vers 1624. (Munich, Alte Pinakothek. Photo © BPK)