Les hyper-riches n’ont pas vraiment bonne presse par les temps qui courent. Certains ont cependant quelques circonstances atténuantes. Ainsi les frères Morozov, Mikhaïl Abramovitch (1870-1903) et Ivan Abramovitch (1871-1921), de fastueux industriels moscovites qu’on pourrait croire sortis d’un roman de Dostoievski, et dont on peut admirer la formidable collection. Deux cent toiles d’art moderne : à peu près autant d’œuvres majeures et de chefs d’œuvres. Sans oublier Bernard Arnaud, qui a donné les moyens de les voir, à la Fondation Vuitton, dans des conditions bien supérieures qu’à l’époque pendant laquelle les Morozov les accumulaient.

Van Gogh, Matisse, Monet, Renoir, Cézanne, Picasso… Une collection d’exception dispersée par Lénine

En effet à la fin du XIXe siècle, la vie culturelle russe s’ouvre à la modernité et certains bourgeois comme Chtchoukine et les Morozov commencent à collectionner des œuvres d’art. Dès 1890, Mikhaïl achète des toiles de Manet, Corot, Monet, Toulouse-Lautrec, Degas, Bonnard, Gauguin ou encore Van Gogh. Ouf ! Il meurt en 1903. Son frère poursuit la collection qui va enfler, enfler, enfler avec Cézanne, Matisse, Derain, Rodin, Pissarro, Renoir, Sisley, Cézanne,  Van Gogh, Bonnard, Denis, Maillol, Matisse, Vlaminck, Derain et Picasso aux côtés de Korovine, Golovine, Sérov, Malévitch, Kontchalovski...

Edvard Munch, Nuit blanche (filles sur le pont), Osgarstrand, 1903.

N’en jetez plus. En 1918, avant que la collection soit dispersée par Lénine, elle comptait plus de 650 œuvres conservées dans l’hôtel particulier d’Ivan, collées les unes contre les autres, accumulées à tel point qu’on pourrait se demander si le collectionneur n’avait pas le syndrome de Diogène. Et pourtant, à l’évidence les deux frères avaient un goût sûr, du pif et du coup d’oeil, avec une propension à aimer les paysages et la couleur (et un peu aussi les femmes nues). On se surprend à constater que chaque toile est une œuvre majeure de l’artiste. Même les Renoir sont de beaux Renoir et pas ses nunucheries pour boîtes à gâteaux… L’exposition a été prolongée jusqu’au 2 avril, il n’y a plus aucun prétexte pour la rater.

La collection Morozov. Icônes de l’art moderne. Jusqu’au 2 avril 2022 à la Fondation Vuitton. Paris 16e. Du lun au ven de 10h à 20h, ven et sam 9h-21h. 16 €.

Van Gogh, La Ronde des prisonniers, Saint-Rémy, 1890.