Prolongée initialement jusqu’en janvier 2021, l’expo-événement consacrée à Picasso au musée des Beaux-Arts avait tenu toutes ses promesses… contrairement à Roselyne Bachelot, qui n’a jamais voulu rouvrir les musées. Moralité : les oeuvres prêtées ont dû être rendues et trop peu de gens l’auront vue; nouvelle absurdité au pays de l’exception culturelle. Vous pouvez vous rattraper avec la visite virtuelle de la commissaire et directeur (c’est le titre avec lequel elle souhaite être désignée), Sylvie Ramond.

Pablo Picasso, Les Baigneuses, Biarritz, été 1918.

Picasso passait tous ses étés au bord de la mer. Nous, on n’a eu qu’à plonger l’été dernier dans les 150 œuvres présentées au musée des Beaux-Arts de Lyon pour se retrouver au milieu des « baigneuses et baigneurs », pour se retrouver dans les ciels bleus et les corps étranges du peintre le plus inventif du XXe siècle. En quelques clins d’oeil très bien choisis, l’exposition montre l’influence majeure de Picasso sur la peinture : les débuts de Francis Bacon et le baiser denté des Figures au bord de la mer (1931), annonçant les futures silhouettes décharnées du peintre britannique, comme le lien avec le primitif ou la composition classique de Manet, jusqu’aux influences contemporaines… de 2019. Remontant le temps de façon chronologique en plusieurs séquences limpides réaménagées pour accueillir des spectateurs dans le respect des nouvelles normes de distanciation sociale, l’exposition est surtout une formidable occasion de revisiter l’oeuvre de Picasso à travers nombre d’oeuvres rares et pourtant emblématiques de l’invention sans limite d’un peintre. Picasso a toujours su être visionnaire et expérimental, en restant populaire. La Baigneuse de la collection Jacqueline Delubac du musée fait ici face à deux autres tableaux grand format en miroir dont l’extraordinaire Grande baigneuse au livre, qui vous donnera envie de lire dans les positions les plus incongrues cet été… ou la Baignade de 1937 (ci-dessous), dans laquelle on peut imaginer au second plan l’artiste en voyeur des deux jeunes filles, comme en témoigne le reste de l’exposition, des photos de famille inédites, capturant la silhouette bovine et bronzée de l’artiste sur les plages, jusqu’aux nombreux dessins, véritables trésors de son imagination sans limite.

La Baignade, 1937, avec au second plan l’artiste en voyeur…

Picasso dans La Course

Crayon magique aux trois couleurs qui fera le bonheur des enfants petits et grands, fusain, encres et craie ou crayon graphite qu’on retrouve y compris sur ses grandes toiles, les « petits » formats de cette exposition en font aussi la richesse, comme Les Baigneuses de 1918 à Biarritz (en début de texte), toile d’été presque naïve assez atypique dans l’oeuvre du peintre, ou La Course (en haut de page), merveille de mouvement et de vitalité sous un ciel radieux. Bref, une exposition aussi limpide que foisonnante, fourmillant de découvertes en restant accessible à tous. La première d’envergure à Lyon consacrée à Picasso depuis 1953, dont le musée rappelle en fin de parcours qu’elle fut la toute première en France consacrée à un peintre encore largement contesté, devenu depuis le plus célèbre des peintres du XXe siècle.

Picasso, baigneuses et baigneurs, exposition présentée par Sylvie Ramond.

Crédits : Les Baigneuses, Biarritz, 1918 : Paris, Musée national Picasso – Paris. © Succession Picasso 2020. Photo © RMN-Grand Palais (Musée national Picasso – Paris) / Sylvie Chan-Liat

La Baignade, 12 février 1937. Venise, Peggy Guggenheim collection, Venice ; The Solomon R. Guggenheim Foundation, New York. © Succession Picasso 2020. Image © Peggy Guggenheim Museum