Prêt pour une plon­gée dans l’uni­vers de l’An­tar­c­tique ? Au préa­lable, évitons toute confu­sion entre espaces glacés. L’Arc­tique est une couche de glace occu­pant le haut de l’hé­mi­sphère Nord. On y trouve des pingouins et des habi­tants humains. L’An­tar­c­tique est de l’autre côté. Un conti­nent plus grand que l’Eu­rope, en bonne terre ferme mais essen­tiel­le­ment recou­vert d’une banquise, situé au Pôle Sud. C’est un désert. Il n’y a pas de pyra­mide cachée comme dans Alien contre Preda­tor et l’homme n’y a jamais habité. On n’y trouve pas non plus de pingouins, mais des manchots empe­reurs, des phoques, quelques oiseaux et aussi parfois le réali­sa­teur Luc Jacquet (qui y avait tourné La Marche de l’Em­pe­reur).

Les vigognes du bout du monde. (© Paprika Films / Aster)

Pôle Sud et pas Pôle Nord

Celui-ci est l’au­teur de cette étrange expo­si­tion consa­crée à une région long­temps incon­nue, qu’il s’em­ploie à mieux faire connaître. On avait parti­cu­liè­re­ment appré­cié, comme les glaçons dans le pastis, sa précé­dente expo­si­tion, Antar­c­tica, résul­tante d’une expé­di­tion de 2015, dix ans après La Marche de l’Em­pe­reur, et présen­tée au Musée des Confluences en 2016. Le procédé de ce qui n’est pas vrai­ment une suite, mais plutôt un appen­dice, est aussi simple que concis. Un couloir sono­risé, avec des sons de navire en milieu venteux à l’as­saut d’une mer intranquille, retrace l’his­toire de la décou­verte de l’An­tar­c­tique à l’aide d’une succes­sion de cartes. Les débuts antiques de la pres­cience d’une terre australe donnaient lieu à l’exal­ta­tion des imagi­naires, et à des repré­sen­ta­tions fantai­sistes, puisque personne n’y était jamais allé. Puis Magel­lan décou­vrit le détroit auquel il donnera son nom. Il faudra attendre 1819 pour que William Smith découvre offi­ciel­le­ment le conti­nent austral.

Sublime désert de l’An­tar­c­tique capté par Luc Jacquet.

Noir et blanc et immer­sion

Le spec­ta­teur débouche ensuite dans une salle, au centre de laquelle tourne un gros cube évoquant un glaçon. Sur quatre de ses faces est proje­tée une succes­sion de cinq films en noir et blanc. Au plafond, des glaçons en mouve­ment donnent l’im­pres­sion d’être en dessous d’un champ de glace. Sur les murs, un autre grand écran et aussi des cita­tions d’ex­plo­ra­teurs : « D’où vient cette étrange atti­rance de ces régions polaires, si puis­sante, si tenace, qu’a­près en être revenu on oublie les fatigues morales et physiques pour ne songer qu’à retour­ner vers elles ? », résu­mait le comman­dant Char­cot. Il y a les images, souvent magni­fiques, l’at­trait de la rudesse des débuts ou d’une fin du monde, ampli­fié par la bichro­mie en noir et blanc.

Luc Jacquet, l’or­don­na­teur de Terra inco­gnita.

Un voyage sonore dans le musée des Confluences

Et puis il y a le son, omni­pré­sent, omni­scient, plus grand que soi. Des craque­ments de glace, de rares chants d’oi­seaux, le vent puis­sant, des cris­se­ments de pas. L’im­mer­sion est totale, beau­coup moins dange­reuse que l’ori­gi­nale, où l’on a vite fait de mourir gelé sur place. Pour tout voir, il faut rester 40 minutes (assis sur un faux glaçon). Les spec­ta­teurs voient l’en­semble pour la plupart jusqu’au bout. Le dispo­si­tif est aussi simple que l’es­pace révélé semble infini. Le message, évident, de préser­va­tion de la planète, se passe de tout commen­taire en favo­ri­sant l’in­tros­pec­tion, en toute beauté sauvage.