Frédérick Houdaer n’est pas du genre premier de la classe, avec parcours scolaire rectiligne et félicitations du jury. A 52 ans, l’écrivain nourri de littérature américaine a connu plusieurs vies littéraires, prouvant au passage qu’on peut très bien pratiquer des genres à priori antagonistes, n’en déplaisent aux puristes. Le Lyonnais est entré en littérature par le polar, en publiant à 30 ans L’Idiot N°2, « un roman noir complétement déjanté », tout en se taillant un CV d’écrivain made in US façon Fante ou Bukowski. Entendez : il enchaîne les petits boulots du style veilleur de nuit ou trieur de verre pour continuer à écrire à côté. Puis, après son deuxième roman, la folie des grandeurs le prend. « J’avais besoin de me prouver que je pouvais gagner de l’argent avec mes romans », ce qui lui aurait fait commettre ses moins bons livres.

Il faudra attendre 2005 pour qu’il écrive ses premiers vers. Lors d’une résidence à Montréal, il fréquente de nombreux poètes et pour la première fois de sa vie, le voilà qui se met à écrire de la poésie, qui plus est sur Lyon. « J’avais besoin de 5000 kilomètres de recul pour ça ». Depuis, il en écrit tous les matins comme d’autres font de l’exercice et a déjà publié sept recueils. Ses trois premiers, Angiomes, Engelures et Engeances, sont d’ailleurs réédités cette année.

Cabaret poétique

Mais à 45 ans, une nécessité impérieuse le pousse à faire un nouveau détour par le roman. Sauf que cette fois-ci, ça ne sera pas un polar : « Cela faisait dix ans que je voulais écrire un livre sur ma mère, témoin de Jéhovah, que j’ai accompagnée faire du porte-à-porte jusqu’à mes 14 ans ». Armaguédon Strip est jusqu’à maintenant son livre le plus personnel, celui avec lequel il a pris de vrais risques : « Il paraît pop au début alors qu’il devient très violent à la fin ».

D’une humilité jamais feinte, Frédérick Houdaer estime faire partie d’une chaîne d’écrivains, lui qui a un temps fréquenté tout le gratin des polardeux, de Frédéric Dard, le créateur de San-Antonio, à Pascal Garnier. Depuis, le Lyonnais n’a jamais cessé d’encourager les autres, en particulier via l’édition sa seconde vocation : plus jeune, il essayait déjà de caser les manuscrits de ses copains, avant de diriger deux collection chez A plus d’un titre et au Pédalo Ivre. L’année dernière, il a monté avec son complice Philippe Bouvier Les éditions du Clos Jouve, du même nom que ce quartier de la Croix-Rousse où il vit et travaille.

Il a aussi su construire une vraie scène poétique lyonnaise, en organisant depuis dix ans les Cabarets poétiques au Périscope, « Le lieu idéal pour ça, on pourrait se croire à Montréal ou à Berlin ». Aujourd’hui, c’est à son tour d’épauler une jeune génération de poètes trentenaires comme Sammy Sapin ou Grégoire Darmon. Un nouveau souffle à découvrir sur la scène du prochain Cabaret poétique, dans le cadre de Magnifique Printemps, la version lyonnaise du Printemps de poètes. Caroline Sicard

Cabaret poétique, dimanche 15 mars à 15h au Périscope, Lyon 2e. Gratuit, dans le cadre du « Magnifique printemps ».