Au départ de ce spectacle, il y a le récit d’un survivant. Le parcours de Robert Antelme, écrivain, résistant, époux de Marguerite Duras et déporté dans l’enfer concentrationnaire en juin 44. Revenu d’entre les morts, tenu par la volonté de raconter ce qu’il a vécu dans ce qui deviendra un livre, Mathieu Coblentz en propose une bouleversante mise en scène, volontairement fragmentée, comme le montrent les récits croisés qui viennent reconstituer les évènements. 

Que faut-il dire lorsqu’on revient de l’enfer ? Tout, des détails cachés dans l’ombre, aux évidences les plus crus comme le montre Vassili Grossman et son récit dans L’enfer de Treblinka. Une description méticuleuse et une œuvre majeure sur les camps d’extermination. Tout est à dire, mais encore faut-il pouvoir revenir pour le raconter. 

Pas encore mort, mais presque

Photos : J.P. Parisot.

On suit d’abord les circonstances qui permirent que cette parole existe. De l’arrestation de Robert Antelme à son retour à Paris en passant par l’évasion du camp de Dachau où l’auteur est tenu en quarantaine par les Américains. Pas encore mort, mais presque. Les récits croisés de Dionys Mascolo, l’ami, et Marguerite Duras nous refont vivre ce retour parmi les vivants avec une grande puissance. 

L’autrice de La Douleurdéjà repris en début de saison au TNP avec Dominique Blanc – se réserve l’un des passages les plus réussis de la pièce. Après son retour à Paris, Robert Antelme lutte contre la fièvre et la privation, veillé par l’autrice. C’est elle qui raconte son combat sur un plateau surélevé, de plus en plus incliné, à mesure que l’agonie est incertaine. 

Camille Voltellier joue Marguerite Duras dans la mise en scène de Mathieu Colentz.

Une parole qui se bat

La mise en scène de Mathieu Coblentz se dévoile sous la forme d’un triptyque : d’un côté le bureau de Dionys Mascolo, au centre l’enfer du camp avec les musiciens qui composent les chœurs, et enfin l’appartement du couple, la douleur. La scène est baignée dans un clair-obscur magnifique. Une lumière mince qui fragmente l’espace comme cette parole fragile qui se bat pour exister dans l’obscurité. Intense. 


L’espèce humaine ou l’inimaginable, d’après La Douleur de Marguerite Duras, Autour d’un effort de mémoire de Dionys Mascolo et L’enfer de Treblinka de Vassili Grossman. Mise en scène de Mathieu Coblentz. Jusqu’au samedi 28 janvier à 20h30 (jeu 20h, dim 16h) au TNP à Villeurbanne, petit théâtre Jean Bouise. De 7e à 25 €.