Théâtre épique. Il y a quelque chose de pourri au royaume d’Ecosse. Le tyran est mort, la reine captive et le pays défait. Reste pour l’Angleterre à placer sur le trône un roi qui lui sera fidèle, vaste programme… En adaptant Dusinane de David Greig, sorte de réponse au MacBeth de Shakespeare, le Lyonnais Baptiste Guiton fait souffler un vent épique sur le plateau de la salle Jean-Bouise au TNP. Dans une esthétique sobre, à mi-chemin entre une friche industrielle, un clip de rock et Highlander, il arrive à nous faire croire à chaque scène avec une économie de moyens. Une simple structure en acier mobile évoque tour à tour des remparts, les appartements de la reine ou une prison, les costumes, proches des univers steampunk et rock apportent une touche modernité alors que les incantations et les chants guerriers entonnés par les comédiens instillent une ambiance mystérieuse toute écossaise.

Des Monty Python à Game of Thrones. Surtout, on est étonné de se glisser aussi facilement dans le texte de David Greig. Car il faut dire qu’un dramaturge, tout grand auteur britannique qu’il soit, qui se charge de donner une suite à MacBeth, ça peut faire peur à juste titre. Mais le lien avec la pièce de Shakespeare n’est qu’un prétexte pour transposer dans l’Ecosse Moyen-Âge des problématiques aussi universelles que contemporaines sur l’ingérence politique (coucou l’Irak, coucou les Etats-Unis). Et si vous n’avez pas besoin d’avoir lu MacBeth pour suivre, l’esprit shakespearien est bien présent. Dunsinane passe sans complexe du tragique à des scènes de bataille ou à l’humour le plus grivois, comme si on zappait frénétiquement des Monty Python à Game of Thrones. Le tout porté par un excellente troupe de comédiens au diapason, à commencer par Gabriel Dufay qui incarne l’inflexible général Siward, homme d’honneur incarnat une certaine image de la justice avant de se transformer en monstre sanguinaire, et Tommy Luminet qui cabotine en nouveau roi d’Ecosse, aussi lucide et retors qu’extravagant, a presque des airs de Néron. C’est le moment de débrancher Netflix et d’aller au théâtre. C.S.

Dunsinane, de David Greig, mise en scène Baptiste Guiton. Jusqu’au samedi 8 février au TNP, Villeurbanne. Horaires variables. De 9 à 25€. tnp-villeurbanne.com