L’univers culinaire adore s’enrober de préceptes intangibles, pour mieux se contredire le lendemain. C’est ce qui en fait sa vitalité. La concept tout à fait valide selon lequel une recette idéale doit se réduire à trois goûts dans l’assiette, s’affale face aux plats servis à La Grenade.

La théorie de la relativité et la physique quantique s’opposent, et pourtant coexistent. On n’y comprend rien, mais ce genre d’argument apporte une caution scientifique bienvenue dans une rubrique consacrée à un restaurant. Ainsi, en entrée du menu du midi, il y avait une salade de pastèque fumée avec du fromage végétal à la noix de cajou, une sauce vierge de grenade, de la menthe de l’olive noire, de la crème de de balsamique blanc au piment d’Espelette, des noix de cajou grillées, et peut-être éventuellement d’autres ingrédients que l’on aurait oubliés.

Cela fait beaucoup de choses à intégrer à la fois. Si le cerveau a l’embrayage qui patine, le palais comprend immédiatement qu’il a bien fait de choisir cette entrée. La notion de pastèque fumée (rien à voir avec un Vert mélenchonniste qui se serait converti au barbecue) ne veut pas dire grand chose sur le dessin, mais la réalité confirme que c’est bon.

Le fumage est léger. La pastèque avait été déposée préalablement dans un bac à trous sous lequel des herbes, thym et romarin, ont eu affaire un pyromane. Quand au « fromage végétal », il peut déclarer que jamais une vache n’a été attouchée pour son élaboration. Il n’ y a pas une goutte de lait, mais de la noix de cajou mixée avec de l’huile d’olive et du citron, un peu à la façon d’un hummous.

La Grenade, cuisine méditerranéenne subtile

Là où on aurait pu s’attendre à de la dispersion, il y a de l’osmose. Comme dans la soupe soleil (composée de différents légumes jaunes), la kefta bœuf et agneau (yaourt turc, feta, concombre, cohorte d’épices etc). La cheffe Alissa est une autodidacte qui a un don pour le jonglage subtil (on sent qu’il y a aussi beaucoup de boulot derrière).

Herbes, épices, fruits en milieu salé ou betterave en intrusion au dessert : cela fonctionne. Sa cuisine, présentée comme « méditerranéenne », est plutôt à situer au fond à droite, avec des inspirations byzantines et libano-israeliennes en passant par Alep. Surtout, elle découle du vaste souffle qu’à apporté le génial chef Yotam Ottolenghi à la cuisine du végétal. La Grenade est une cantine aux jolis aspects de salon de thé, le service est féminin comme une bonne partie de la clientèle. Un bon instant de légèreté sur concerto de légumes en zaatar, nigelle, sumac et jus d’hibiscus majeurs.

La Grenade. 5 rue du Garet, Lyon 1er. 04 78 72 47 38. Fermé le dimanche. Formule: 18,50 euros (midi). Menu : 21 euros (midi). Attention, vins natures, il peut y avoir du bizarre. On vous conseille la sécurité avec le très amical Vin de pétanque du Mas du Libian (Sud Ardêche). Soir : mezze. Plats à partager entre 9 et 15 euros.

Photos : Susie Waroude.