Film on ne peut plus bavard sur le deuil et ses soi-disants non-dits, Drive my car avait raflé tous les prix que comptent les cérémonies pour cinéma d’auteur mondialisé, à commencer par l’Oscar du meilleur film étranger. Le nouvel opus de Ryûsuke Hamaguchi a au moins un mérite : il dure une heure de moins (2h au lieu de 3), pour trois histoires courtes autour de trois femmes « étranges » en pleine blessure d’amour : la première qui découvre la « magie « de la relation naissante de sa copine avec son ex ; la deuxième qui pratique l’érotisme littéraire à distance, « la porte ouverte« , avec une prédilection pour la masturbation ; la troisième qui retrouve « encore une fois » sur un escalator la seule femme qu’elle ait vraiment aimée, en découvrant les « prénoms non genrés » (sic) de ses enfants…

La porte ouverte, deuxième segment des Contes du hasard.

Je suis venue te dire que je m’en vais

Comme dans Drive my car qui débutait par une relation trouble et sensuelle avant de sombrer dans les situations les plus convenues, c’est la première histoire qui est ici la plus intéressante : passé un dialogue interminable en voiture qui devient décidément la marque de fabrique de Hamaguchi, les retrouvailles jalouses d’une jeune mannequin avec son ex (Ayumu Nakajima, l’acteur le plus intéressant du film), apporte au moins un peu de piment et de relief vénéneux à un film qui va passer son temps à faire se croiser artificiellement des personnages qui, eux, passent leur temps à fuir toute relation.

Kotone Furukawa et Ayumu Nakajima dans Magique ?, le premier segment des Contes du hasard.

Le cinéaste le plus surestimé du moment ?

Cette suite de plans moyens banals et franchement pas inspirés a plus à voir avec un téléfilm de luxe qu’avec Eric Rohmer dont Hamaguchi se réclame paresseusement. Rappelons que Rohmer confrontait l’idéal classique et une forme littéraire du langage à la contemporanéité du cinéma, avec un soin maniaque pour les paysages, la topographie et la véracité de l’époque ; en usant du hors-champ et de l’invisible (L’Amour l’après-midi n’aura pas lieu, et La Femme de l’aviateur n’existe pas).

Rien de tout cela ici. Qu’un bavardage de fuite indécis. Le hasard est même surligné, par exemple, en faisant repasser trois fois sur l’escalator ses deux protagonistes (sic), pour asséner des banalités que seule une psychothérapie pourrait éventuellement rendre utiles. C’est d’ailleurs ce que conseille incidemment un des personnages féminins du film. On ne saurait mieux dire.

Contes du hasard et autres fantaisies de Ryûsuke Hamaguchi (Guzen to sozo, Jap, 2h01) avec Kotone Furukawa, Ayumu Nakajima, Hyunri, Katsuki Mori, Fusako Urabe, Aoba Kawai… Sortie le 6 avril.