Cinéphile gourmand, Michel Hazanavicius a toujours rendu hommage au cinéma dans tous les genres (OSS, Le Redoutable autour de Jean-Luc Godard ou évidemment The Artist, projet archi-gonflé d’un film muet en noir et blanc qui s’est retrouvé in fine avec 5 Oscars). Ici, il s’attaque non pas à un remake du film de zombie japonais Ne Coupez pas ! mais à une comédie de tournage autour d’un vrai-faux remake de film de zombies… (vous suivez ?). Peu importe les mises en abîme,si vous n’aimez pas les films de zombie au sang qui gicle (comme le vomi), attendez patiemment la fin de la première demi-heure tournée comme un plan séquence de série Z : toujours aussi bosseur, Hazanavicius a construit son film en trois temps distincts : la vraie-fausse série Z aux couleurs trash saturées façon Gaspar Noé (qu’on voit dans la bande-annonce), le flashback sur la préparation qui va mener à ce tournage calamiteux, et le retour au premier film mais cette fois vu de l’équipe du film.

Un tournage un peu particulier en effet… (photos Lisa Ritaine)

Du jamais vu dans le cinéma français

Bien sûr, il y a parfois trop de tout, mais comme avec OSS 117 à l’époque, Hazanavicius tente une nouvelle fois ce qui ne s’était jamais vraiment trop fait dans le cinéma français : un véritable hommage au genre et au grand bordel de faire des films, avec un scénario original et des surprises (Grégory Gadebois, qu’on vous laisse découvrir), et comme dans Le Redoutable, une bonne dose d’autodérision pour se moquer de ce petit milieu égocentré, du jeune acteur en vogue qui a plus de postures politiques que d’idées de jeu (Finnegan Oldfield, sans doute pas dans un rôle de composition) aux rapports aléatoires avec une productrice japonais totalement survoltée… tant qu’on ne lui parle pas de Pearl Harbor. Avec un joli clin d’oeil à la jeunesse féminine (très beaux personnages secondaires de la fille du réal et la scripte), en terminant son film à la façon d’une comédie familiale.

Romain Duris, Bérénice Béjo et Simone Hazanavicius, la propre fille du réalisateur.

Romain Duris, acteur d’exception

Auparavant, après Jean Dujardin, il aura su à nouveau susciter une rencontre au sommet avec un autre des grands acteurs d’aujourd’hui, Romain Duris, qui a voulu tout de suite tourner avec lui. Ils ont eu raison tous les deux : en réalisateur à bout de nerfs distribuant ses baffes en même temps qu’il tourne à ses acteurs tellement insupportables, comme en père timoré composant avec la production ou se faisant remettre en place par sa fille, il est en tout point exceptionnel : le meilleur acteur du film, c’est bien le réalisateur ! Pas sûr que ce rôle lui vaille le César qu’il mérite vu la frilosité du cinéma français pour les films de genre, ni que le film fasse beaucoup d’entrées dans l’hexagone. En revanche, c’est tout à l’honneur du festival de Cannes de programmer une pure comédie vraiment cinéphile qui a toute sa place en ouverture. D’autant que le cinéma de genre, lui, est facile à exporter. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.

Coupez ! de Michel Hazanavicius (Fr, 1h51) avec Romain Duris, Bérénice Béjo, Grégory Gadebois, Finnegan Oldfield, Simone Hazanavicius, Agnès Hurstel, Lyès Salem… Sortie le 18 mai. Lire aussi la critique de François Mailhes.

Bérénice Béjo, façon Kill Bill. (photo Lisa Ritaine)