Clan­des­ti­nité, chasse aux sorcières et peur d’être pris, en huit épisodes d’une constante qualité, Fellow trave­lers recons­ti­tue le placard homo­sexuel au temps du MacCar­thysme dans les années 50 aux Etats-Unis. Un sujet rare­ment évoqué, à part dans Advise and Content (Tempête à Washing­ton), le grand film pion­nier d’Otto Premin­ger.

On aura rare­ment été aussi vite happés par deux person­nages pas comme les autres, beaux mais pas que. Des person­nages complexes, diffé­rents, qui se mentent parfois à eux-même, ou n’ont simple­ment pas le choix. Un homme poli­tique avide de pouvoir et soucieux de l’étiquette, Hawk (Matt Bomer, passé par Magic Mike), au galbe préda­teur mais à l’amour failli, rencontre Timo­thée (pas Chala­met) le temps d’un verre de lait (qu’on retrou­vera au dernier épisode), portant la mèche rebelle d’un jeune Matt Damon comme une intranquillité natu­relle. Jona­than Bailey en fait un portrait d’un être à part, habité par la ques­tion reli­gieuse, boule­ver­sant jusqu’au bout.

Jeu de dupes social et cruel dans lequel chacun jauge ou est jaugé, il faut entendre l’hor­reur polie de certains dialogues et leur façon de réson­ner encore aujourd’­hui. Fellow Trave­lers est d’abord la pein­ture d’une époque dans laquelle la répres­sion et la persé­cu­tion allaient se nicher dans les couches les plus poli­cées de la société, la démo­cra­tie « mena­cée par des prêcheurs de bonne parole qui attisent les peurs« , tiens, tiens…

Matt Bomer.

Fellow Trave­lers, jeu de dupes social et cruel

De ce point de vue, Fellow Trave­lers réus­sit un portrait impres­sion­nant de la société améri­caine (jusqu’à l’as­sas­si­nat de Harvey Milk puis les années Sida), en plus d’une recons­ti­tu­tion vivante d’une époque qui nous emporte par des person­nages secon­daires on ne peut mieux dessi­nés (y compris les femmes, dont celle de Hawk).

L’amour de Tim et Hawk, impos­sible à réali­ser aux yeux de tous, résis­tera donc à tout, guet­tant chaque inter­stice ou chaque moment perdu pour s’ac­com­plir, dans des scènes de sexe très tendres, très crues, et très crédibles. Fellow Trave­lers est avant tout ce qu’on pour­rait appe­ler un contre-mélo.

Jona­than Bailey et Matt Bomer.

Grands inter­prètes pour grande histoire d’amour

Si les deux derniers épisodes deviennent une ode commu­nau­taire louable mais un peu trop litté­rale, à l’hos­ti­lité d’une société qui condamne, Ron Nyswa­ner substi­tue une vraie grande histoire à deux qui prend ce qu’elle peut dès qu’elle le peut, dans laquelle la vulné­ra­bi­lité n’est pas toujours où l’on croit. Une façon de faire exis­ter la possi­bi­lité d’un amour dans un envi­ron­ne­ment sinis­tré qui tient d’un atta­che­ment à vivre envers et contre tout. Comme un brasier qui ne s’éteint pas, malgré les cendres. Déjà une des séries dont on se souvien­dra long­temps, porté par deux inter­prètes d’ex­cep­tion qu’on espère retrou­ver très vite au cinéma.

Fellow Trave­lers de Ron Nyswa­ner (2023, EU, 8 épisode d’1h envi­ron) avec Jona­than Bailey, Matt Bomer, Alli­son Williams, Jelani Alla­din, Noah Ricketts… Dispo­nible en inté­gra­lité sur Canal Plus.

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