Tu m’étonnes que tout le monde regarde ! Voyeuriste, sordide, malaisant, mais aussi incroyablement bien interprété et mis en scène (même Gregg Araki a mis la main à la pâte pour un épisode !), Dahmer, monstre, L’Histoire de Jeffrey Dahmer, est un véritable phénomène… assez impressionnant. Regardez le premier épisode vous fera tout de suite réaliser ce que l’on doit ressentir quand on se retrouve entre les mains d’un serial killer de la dernière dangerosité, prêt à vous découper ou vous dévorer. Car quand Dahmer donne un baiser, c’est souvent à une tête découpée… Son rêve était simplement au départ de s’allonger auprès d’elles, enfin d’eux, puisqu’il s’agit du « tueur en série gay qui mange les jeunes hommes« , avec une tendresse « pour les gens de couleur« .

Mais cette snuff série sur le « cannibale du Milwaukee » qui a dépecé dix-sept victimes de 1978 à 1991 ne se contente pas de nous mettre mal à l’aise pour le plaisir. Crédible, documenté (on entend même le véritable appel de la voisine à la police dans le troisième opus)., l’essentiel des 10 épisodes est même consacrée essentiellement à l’incompréhension de ses proches, à commencer par ses parents (c’est Gregg Araki qui signe l’épisode Lionel consacré à son père, avec le formidable Richard Jenkins vu chez les frères Coen), et au combat des familles noires ignorées et méprisées par la police avec le dernier cynisme raciste.

Shaun Braun et Evan Peters dans Dahmer monstre.
Shaun Braun, celui qui finira par faire arrêter Dahmer…

American crime story à la Dexter

Critique du patriarcat et des dégâts de son éducation arriérée, dénonciation du racisme endémique et de l’homophobie de la société américaine (d’un autre temps ?), le point de vue de cette nouvelle série créée par Ryan Murphy (American crime story dont The Assassination of Gianni Versace, autrement plus formaté) ne souffre d’aucune ambiguïté malgré le malaise qu’elle suscite. Elle parvient à inscrire dans le contexte politique d’une certaine histoire américaine ce portrait d’une personnalité criminelle hors norme qui va en révéler toutes les contradictions.

Froideur cadavérique, regard absent, sourire et humour noir à la Dexter, Evan Peters est grandiose en boy next door immature, naviguant dans les eaux troubles du désir et du refoulement, tour à tour beau gosse et crado, véritablement tendre et psychopathe sans rémission. Un jeune homme qui refusera de se considérer comme fou à son arrestation et réclamera la peine de mort pour lui-même, lucide quant à son incurabilité. C’est un collègue black de sa prison qui finira par venger ses frères avec la dernière cruauté. Les trois derniers épisodes tirent un peu à la ligne comme souvent dans les séries, mais ce Dahmer aura su nous tenir en haleine par sa complexité et ses qualités cinématographiques propres (Jennifer Lynch, la fille de David, a signé la majorité des opus).

Dahmer, monstre, L’Histoire de Jeffrey Dahmer de Jennifer Lynch et autres. Avec Evan Peters, Richard Jenkins, Niecy Nash, Dyllon Burnside, Molly Ringwald, Penelope Ann Miller, Shaun Braun… 10 épisodes entre 45mn et 1h05 disponibles sur Netflix.

Evan Peters, impressionnant en tueur psychopathe dans Dahmer.
Bienvenue chez Dahmer…