Ce n’est pas tous les jours qu’on voit une femme survivre au quotidien dans un mobil-home au milieu des bois enneigés. Elle pratique le trafic de cigarettes à la frontière franco-italienne pour arrondir ses fins de mois, et va devenir passeuse après la rencontre avec un migrant, et la complicité de son amant policier.
Venu du documentaire (notamment sur les mineurs de Calais), le réalisateur lyonnais Stéphane Marchetti dévoile pour son premier film de fiction une polar ambitieux. Larges paysages enneigés, musique synthétique à la Carpenter et atmosphère glaciale jusqu’à la tempête de neige finale (filmée dans les conditions réelles au col du Lautaret), La Tête froide témoigne de belles ambitions, y compris sociales.
Florence Loiret-Caille, actrice à part dans un polar à part entière
La complexité des situations entre humanité et business, nécessité de la survie, égoïsme et parcours apatride en peul et an anglais en fait à la fois la richesse et la limite. L’idée qu’en zone frontalière, aidants comme migrants peuvent devenir passeurs ne serait-ce que pour s’assurer un avenir financier évite tout manichéisme et témoigne d’un véritable souci de réalisme.
Mais cette qualité d’observation sociale finit par prendre le pas sur le danger et le suspense que promettaient la première partie du film, entre convois, filature, et manipulation sentimentale (superbe Jonathan Couzinié en flic amoureux). Polar et fiction s’enlisent un peu comme les personnages en fuite.
Stéphane Marchetti n’ose sans doute pas encore assez s’affranchir de sa conscience sociale. Il offre en revanche à Florence Loiret-Caille – actrice du Bureau des légendes encore trop rare au cinéma – un premier rôle à sa hauteur. Déterminée, pas toujours aimable, maladroite mais toujours en action, elle a l’occasion de montrer l’étendue de tout son talent, avec sa franchise et ses yeux de biche qui contredisent partout les drames dans lesquels elles s’enlisent. Une actrice à part.
La Tête froide de Stéphane Marchetti (Fr, 1h32) avec Florence Loiret-Caille, Jonathan Couzinié, Saabo Baldé… Sortie le 17 janvier.
