L’idée de départ du Comte de Pablo Larrain est géniale et valut sans doute à ce film Netflix son prix du scénario lors de sa présentation à Venise. Cette « mascarade » politique prend la forme d’un fable et commence plusieurs siècles avant, en France (marché visé par le film), quand « Claude Pinoche« , soldat de Louis XVI, tabasse à mort de la prostituée en lui coupant la tête pour mieux remplacer celle de Marie-Antoinette dans sa tombe après la Révolution… Il réapparaîtra en vampire en 1935 au Chili pour devenir ce revanchard de la noblesse imbue, massacrant Salvador Allende et son propre peuple en 1973 pour régner 40 ans en despote corrompu et sanguinaire.

Alfredo Castro en « porc humain » de domestique dans Le Comte.

20 premières minutes épatantes pour 1h50 d’ennui

C’est la meilleure partie du film, ramassée, insolite, soutenue par une fanfare conjuguant le baroque et le funèbre, et contée par une docte voix-off anglaise (on n’en dira pas plus), comme un précis de cruauté ironique. Malheureusement, elle ne dure que 20 minutes. Le vampire ne comprenant pas pourquoi il ne meurt pas (belle métaphore) s’envole de sa cape noire dans les airs et on ne le reverra plus que le temps de quelques vignettes pour faire le pensum de dialogues explicatifs et moralisateurs dans lequel le film va plonger l’essentiel de son temps.

L’ennui commence avec l’arrivée de Paula Luchsinger en « comptable-exorciste »…

Car dès qu’arrive l’insipide Paula Luchsinger en comptable-exorciste pour chasser le diable, le film délaisse la parabole à travers le temps pour le dialogue en chambre réaliste, inutilement bavard et finalement assez creux. Entre le « porc humain » russe qui lui sert de domestique et la « vieille pute pire que lui » qui lui sert de femme, on aura compris que Pinochet ne vaut pas beaucoup mieux, mais on a surtout beaucoup de mal à s’intéresser à une silhouette aussi désincarnée, éclairée continuellement par le même noir et blanc atone et glacé…

Noir et blanc atone et glacé pour produit auteuriste opaque

La « reconstitution ridicule de la monarchie royale en France » (sic) en fin de course semble uniquement là pour boucler la boucle. Elle vire au n’importe nawak avec notre Paula Luchsinger qui s’envole à son tour avant d’être guillotinée… Il faut dire qu’elle était déjà danseuse dans Ema, le plus mauvais film de Larrain.

Si le réalisateur chilien s’est spécialisé dans le biopic historique esthétique à la façon d’un Sokourov en Russie, après l’extraordinaire réussite de No en 2012 déjà sur Pinochet, il semble aujourd’hui se banaliser dans le produit auteuriste opaque depuis Ema ou Spencer sur Lady Di, avec formatage intégré (tous les tubes de Vivaldi y passent). Si tout le monde finit par se mettre à voler pour un oui ou pour un non au milieu de paysages vides où il était manifestement plus facile de tourner, ce Comte assez flémard, lui, n’aura jamais décollé…

Le Comte de Pablo Larrain (El Conde, Chili, 1h51) avec Daniel Contesse, Marcelo Alonso, Gloria Münchmeyer, Paula Luchsinger… Disponible sur Netflix.