Pour entrer dans la salle, il faut sans doute être un peu voyeur ou critique de cinéma (pléonasme). Vanessa Filho adapte en collaboration avec son autrice Le Consentement, en assumant la frontalité de vouloir montrer sur grand écran ce qu’est l’emprise, psychique et physique, jusqu’aux viols. Autant prévenir tout de suite que nombre de scènes – et pas seulement les plus crues – seront à peine soutenables pour nombre de spectatrices et spectateurs.

Le Consentement et l’emprise

Le propos, lui, est parfaitement clair, incroyablement fort et terriblement crédible, en montrant la pédophilie et ses mécanismes de prédation comme on l’aura rarement vu sur un écran, à quelques afféteries de réalisations près. Car Le Consentement de Vanessa Springora, c’est d’abord le consentement à l’emprise d’un vieux pédophile sur elle, jouissant de son aura littéraire de pacotille, avec la complicité d’une mère baignant dans le milieu de l’édition parisienne (Laetitia Casta, formidable d’ambiguïté consciente).

L’immondice des mondanités prêtes à sacrifier une enfant pour ricaner en meute au dîner, l’illusion puérile d’un « amour pur » qui n’est que possession et dépossession dont chaque attention fallacieuse n’est qu’une prédation de plus, voilà ce que parvient à reconstituer Vanessa Filho. Jusqu’aux viols, sordides, abominables.

Kim Higelin exceptionnelle et Jean-Paul Rouve monstrueux

En plus de sa ressemblance troublante avec Vanessa Springora, Kim Higelin est exceptionnelle de maturité précoce, de ténacité et de vulnérabilité offerte. L’intelligence de Vanessa est dans un premier temps son principal ennemi, et c’est par ce sentiment très cultivé de l’intelligence qu’elle croit « qu’il doit avoir raison« .

C’est par la force péremptoire de l’écrit que le film montre très bien, qu’elle le mettra en boîte à son tour. Jusqu’au soulagement de cette séquence de l’émission Apostrophes dans laquelle chacune et chacun prend la défense admirative de cette ordure, sous prétexte de littérature.

Laetitia Casta et Kim Higelin, mère et fille.

Vanessa Springora et Denise Bombardier, soeurs d’armes

Il faut entendre la question de Bernard Pivot, bonhomme, pour comprendre ce qu’est la culture du viol. Il faut surtout écouter la réponse pionnière, lucide, de Denise Bombardier pour comprendre la réalité de ce que Vanessa Springora a vécu : « Ce que je ne comprends pas, c’est que dans ce pays, la littérature serve d’alibi à ce genre de confidences. Parce que ce que nous raconte monsieur Matzneff dans son livre très ennuyeux, c’est qu’il sodomise des petites filles de 14 ans, et qu’elles sont folles de lui. On sait bien que les vieux messieurs attirent les enfants avec des bonbons. Monsieur Matzneff, lui, les attire avec sa réputation. Ce qu’on ne sait pas, c’est comment ces petites filles s’en sortent après coup« .

Aujourd’hui, on le sait. Dans le film, Vanessa Filho ne montre pas le visage de Gabriel Matzneff. Mais sa voix est étonnamment ressemblante à celle de Jean-Paul Rouve, qui nous aura glacé pendant tout le film. En l’entendant, on comprend quel mauvais écrivain il est, mais quelles horreurs il a perpétré. Hors de toute littérature. Être arrivé à montrer de façon constamment crédible la force d’une jeune fille contre un monstre pareil, n’est pas la moindre des réussites du film.

Le Consentement de Vanessa Filho d’après Vanessa Springora (Fr, 1h58) avec Kim Higelin, Jean-Paul Rouve, Laetitia Casta, Elodie Bouchez… Sortie le 11 octobre.

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