Révo­lu­tion­naire au quar­tier latin à la fin des années soixante, guérillero au Vene­zuela ou gang­ster : la vie de Pierre Gold­man (demi-frère aîné de Jean-Jacques) aurait pu nour­rir un biopic. Cédric Kahn a préféré se foca­li­ser sur le deuxième procès de ce mili­tant d’ex­trême gauche, condamné à perpé­tuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux phar­ma­ciennes. Une accu­sa­tion que Gold­man conteste caté­go­rique­ment : « Je suis inno­cent parce que je suis inno­cent » proclame-t-il à plusieurs reprises durant le film.

La force de la parole

Utili­sant son procès comme une tribune pour critiquer la police et l’État, Gold­man n’hé­site pas à inter­rompre le procu­reur, les témoins et son avocat, souvent sous les accla­ma­tions de la foule. Le tribu­nal se trans­forme alors en grand spec­tacle décla­ma­toire où les égos, la verve et les belles formules s’en­tre­choquent. Excepté la scène d’in­tro­duc­tion, le film se passe inté­gra­le­ment dans le tribu­nal. Cédric Kahn privi­lé­gie une approche épurée, sans flash­backs ni musique, et met en valeur la puis­sance des dialogues afin d’im­mer­ger tota­le­ment le spec­ta­teur à la place du juré. Le cadre en 4/3 joue avec le coté docu­men­taire et la colo­ri­mé­trie domi­née par les tons bruns et gris nous trans­porte effi­ca­ce­ment dans les années 70.

Le Procès Goldman de Cedrick Kahn avec Arieh Worthalter et Arthur Harari
Arthur Harari en maître Kiej­man.

Arthur Harari magni­fique en maître Kiej­man

Passant de la brute silen­cieuse à l’agi­ta­teur lucide et charis­ma­tique, Arieh Worthal­ter trans­cende dans le rôle de Pierre Gold­man et hurle ses convic­tions avec passion. D’un autre côté, son avocat Maitre Kiej­man, super­be­ment inter­prété par Arthur Harari, inter­roge scru­pu­leu­se­ment les respon­sables et les témoins civils, déman­tèle leur crédi­bi­lité et révèle leurs préju­gés au grand jour. Au-delà de l’in­di­vidu, Cédric Kahn aborde égale­ment la recherche de la vérité et les limites du système juri­dique. A travers les diffé­rents témoi­gnages, il examine la subjec­ti­vité de la mémoire, sa grande vulné­ra­bi­lité, et la manière dont les témoins inter­prètent leurs souve­nirs en tant que faits, afin de corro­bo­rer leur percep­tion du monde et leurs croyances. Abso­lu­ment brillant.

Le Procès Gold­man de Cédric Kahn (Fr, 1h55) avec Arieh Worthal­ter, Arthur Harari, Stéphan Guérin-Tillié… Sortie le 27 septembre.

Le Procès Goldman de Cedrick Kahn avec Arieh Worthalter et Arthur Harari
Arieh Worthal­ter dans Le Procès Gold­man de Cédric Kahn.