Pas facile de se débar­ras­ser d’un cada­vre… Surtout quand tu n’as pas vu venir le mort. Démar­rant dans l’at­mo­sphère pois­seuse et ensan­glan­tée des chiens de combat et du trafic de drogue à Casa­blanca, le premier film de Kamal Lazrac croise d’en­trée de jeu la nervo­sité hyper-réaliste du cinéma améri­cain indé des années 70, avec l’hor­reur absurde façon frères Coen. Mais pour en tirer un pur produit maro­cain (en VO dans le texte), et un film impres­sion­nant à la redou­table person­na­lité. On n’aura jamais les bas-fonds de Casa­blanca filmés comme ça.

Car Kamal Lazrac sait très bien ce qu’il fait. Il avait eu le temps de mûrir son sujet dans un moyen métrage avant de choi­sir ses « gueules » plus vraies que nature – deux acteurs non profes­sion­nels des dits bas-fond – pour mieux plon­ger leurs réac­tions dans le bain élec­trique dans un scéna­rio riche en rebon­dis­se­ments et en ironie sourde.

Abdel­la­tif Mass­touri, une « gueule »…

Un scéna­rio et des gueules

La mort, il va la filmer dès le départ de façon on ne peut plus crédible (on ne vous dira pas comment), et le cadavre sera bien visible tout au long de cette nuit en enfer d’un fils qui a eu le malheur de vouloir aider son père ahuri (Abdel­la­tif Mass­touri, scot­chant), dépassé par une sale besogne qui ne se passe évidem­ment pas comme prévu…

Mais dans cette 1h30 chrono pour cacher la mort, Kamal Lazrac a vicié son réalisme tout du long. Si ces hommes de basses oeuvres plus pitoyables que les chiens du début du film n’ont que Dieu a la bouche, c’est pour commettre les pires atro­ci­tés. La satire reli­gieuse court comme un motif, comme le renver­se­ment des rapports père-fils quand Hassan pren­dra la tangente (magné­tique Ayoub Elaid, paso­li­nien en diable).

« Est-ce qu’il a été lavé ? » se conten­tera de deman­der un vieux bougre musul­man très pieux, par ailleurs tout à fait prêt à faire dispa­raître le corps en morceaux… Et lorsque Hassan rencon­trera le chef de bande (seul acteur pro du film), c’est lui aussi pour l’in­vi­ter à se laver… dans la douche de sa garçon­nière, avec un humour érotique parfai­te­ment subver­sif. On croi­rait avoir trouvé l’équi­valent maro­cain du récent Burning Days d’Emin Alper.

Nerveux, très cru et saisis­sant dans sa direc­tion de non-acteurs qui crèvent l’écran, ces Meutes déses­pé­ré­ment humaines et sour­noi­se­ment sati­riques signent l’avè­ne­ment du nouveau cinéma maro­cain.

Les Meutes de Kamal Lazrac (Mar-Fr-Bel, 1h34) avec Abdel­la­tif Mass­touri, Ayoub Elaid, Lahcen Zaimou­zen… Sortie le 19 juillet.