S’il ne parvient pas à nous tenir en haleine jusqu’au bout, Kompromat de Jérôme Salle vaut par la réalisme de son portrait de la Russie actuelle, avec en anti-héros Gilles Lellouche, notre Snoopy préféré du cinéma français.

Un spectacle de danse dans lequel deux hommes s’embrassent en slips blancs peut avoir des conséquences que vous ne sauriez imaginer. Surtout en Russie… C’est le point de départ pas banal de ce thriller « très librement inspiré » – comme c’est écrit avec précaution au générique – de l’histoire vraie d’un ancien directeur de l’Alliance française d’Irkoutsk en Sibérie. Notre Snoopy préféré du cinéma français, Gilles Lellouche – grand acteur masochiste qui adore les tuiles qui lui tombent sur la tête – va être servi. Plaqué par sa femme (c’est peut-être ce qui a déplu dans le scénario au véritable directeur en question), il va se retrouver « compromis » par une machination du KSB, le nouveau KGB d’un certain Poutine dont on on voit la tronche pendre sous le rétroviseur d’un drôle de taxi vers la liberté… (chut…)

Gilles Lellouche en pleine arrestation en Sibérie dans Kompromat.
Gilles Lellouche ne va pas passer qu’un bon moment en Russie…

Gilles Lellouche, notre Snoopy préféré du cinéma français

Matthieu Roussel (c’est son nom dans le film) va donc se retrouver accusé de création et détention de contenus pédophiles pour avoir programmé un spectacle par trop progressiste pour la Russie. Emprisonné, tabassé (mais Gilles Lellouche le joue très bien, on voit qu’il aime ça) et surtout condamné à s’évader, sous peine de terminer sa vie sous le rouleau compresseur d’une parodie de justice assassine… On sent parfois que le scénario a dû être difficile à établir entre l’histoire vraie qui l’a inspiré et les développements de la fiction, pas toujours crédibles (la scène du coffre, ou la bataille finale dans l’eau, bâclée et assez grotesque).

Joanna Kulig, la révélation russe de Kompromat.
Joanna Kulig, l’atout slave de Kompromat

Réalisme politique et découverte de Joanna Kulig

Mais ce qui fait l’intérêt de ce divertissement de rentrée, outre la confirmation du talent écrasant (et écrasé) de Gilles Lellouche, et la découverte du charme slave de Joanna Kulig, c’est qu’il est un des derniers témoignages de la société russe contemporaine et de ses contradictions internes, juste avant l’invasion de l’Ukraine, mais déjà après l’annexion de la Crimée. Les paysages ruraux et les cités de Sibérie, les prisons de Moscou, les différences culturelles entre la Russie et l’Occident ou les relents de la guerre atroce en Tchéchénie y sont très bien documentées (comme pour Zulu, Jérôme Salle s’est fait aidé par Caryl Férey au scénario). Jusqu’à l’horreur diplomatique de l’ambassade française, incarnée par Louis Do de Lancquesaing… . Même si la partie thriller et fiction ne nous convainct pas totalement, l’ambition visuelle et politique de ce Krompromat valent largement le déplacement.

Kompromat de Jérôme Salle (Fr, 2h07) avec Gilles Lellouche, Joanna Kulig, Mikhaïl Gorevoï, Judith Henry, Elisa Lasowski, Aleksey Gorbunov, Louis Do de Lencquesaing… Sortie le 7 septembre.

Gilles Lellouche dans Kompromat de Jérôme Salle.