Deux frères que tout oppose dans le Montana en 1925 : une brute mutique de cow boy puant et malpoli, parangon de masculinité toxique (Benedict Cumberbatch, toujours aussi impressionnant) ; et un cadet introverti et sensible, déjà déconstruit, qui n’aurait pas déplu à Sandrine Rousseau, attentionné pour la veuve et son orphelin gracile (Jesse Simons et Kirsten Dunst, habités). Passé ce cahier des charges Netflix un peu trop surligné, en grande cinéaste, Jane Campion embrasse ses thèmes de prédilection dans un ballet intime, sensuel et palpable d’une époque passée dont les héros nous sont pourtant proches. Déchirements intérieurs et grands espaces, le film prend son envol dans une scène de désir homosexuel refoulé au milieu de la nature, et le rapprochement inattendu entre le frère aîné et le fils fragile (Kodi Smit-McPhee, révélation du film, en même temps que son coeur dramatique). La musique (toujours le piano) comme la littérature jouent un rôle aussi important que dans les films précédents de la cinéaste (ce Pouvoir du chien est une adaptation du roman de Thomas Savage qui avait connu la vie de ces gens à cette époque).

Benedict Cumberbatch et Kodi Smit-McPhee dans The Power of the dog.

Reconstitution fastueuse

Le nombre de charpentiers au générique de fin trahit une reconstitution de décors fastueuse pour deux scènes à la ville pas forcément utiles à ce nouveau portrait de désaxés romantiques comme les aime Jane Campion. Voilà qui lui a permis de tourner (en Panavision) chez elle en Nouvelle-Zélande dans le plus grand confort (d’où son choix d’être produite par Netflix, n’ayant pas pu obtenir les même financements par ailleurs). En plus de l’attention pour ses grands comédiens, son art de l’ellipse et des tensions muettes, c’est la communion avec la nature et la « morsure du chien » prise dans les somptueux paysages néozélandais qui fait le prix de ce nouvel opus, bon cru même s’il reste suffisamment aseptisé pour une plateforme domestique. Le film sera néanmoins projeté à l’Institut Lumière dans le cadre du Netflix Film Club.

The Power of the dog de Jane Campion (Netflix, 2h08) avec Benedict Cumberbatch, Jesse Simons, Kirsten Dunst, Kodi Kodi Smit-McPhee… Actuellement sur Netflix et samedi 11 décembre à 21h à l’Institut Lumière, Lyon 8e, en séance spéciale.