Qu’est-ce autre chose que l’opéra qu’un prétexte musical à un grand spectacle dans lequel on puisse reconnaître nos sentiments exacerbés ? C’est ce qu’on s’est dit en assistant au lever de rideau de ce Coq d’Or de Rimski-Korsakov promis à être joué cet été au festival d’Aix. Un conte de fées au spiritualisme russe qui n’a rien de magique dans la mise en scène de l’australien Barrie Kosky, chouchou des critique (il signera aussi la nouvelle production de Falstaff de Verdi cet été à Aix à venir à Lyon à la rentrée). Une fois passé les splendides costumes de choeurs en hippocampes funèbres ou de la créature articulée comme dans un rêve machinal (photo), le décor unique finit malheureusement par un peu trop écraser son propos sous les herbes hautes.

Clichés arty

Les superbes choeurs-hippocampes du Coq d’Or.

D’autant que s’il ne manque sans doute pas d’intelligence, l’art de Barrie Koskie cède à un peu trop à la facilité esthétique en usant et abusant des clichés intellos arty du (vieux) regie theatre à l’allemande : lumière froides, scénographie absurde, roi laid et couronne postiche, une chaussure à talon sur deux pour faire queer, danseurs à paillettes et finale dépareillé pour distraire un instant du gris omniprésent des murs soigneusement délavés par les accessoiristes… On était heureux de voir le rideau se lever sur un décor majestueux, on a fini un peu trop étouffé pour être resté enfermé dedans pendant 2h15. On ne doute pas que Barrie Kosky ait tout compris aux enjeux cachés d’une oeuvre complexe, on aurait aimé qu’il puisse nous les transmettre autrement que dans un destroy chic plus chic et terne que destroy que guette un sentiment de déjà vu bien occidental… Il vous faudra attendre la toute dernière scène, très belle, pour accepter l’intention pour le moins fantomatique de la mise en scène, qui de ce point de vue là est certes réussie…

Nina Minasyan en « reine de Chemakha » au deuxième acte.

Chanteurs de feu

Heureusement, il reste la musique. Daniel Rustioni chauffe son orchestre (et la salle) comme personne, le violoncelle solo irradie un deuxième acte aux accents plus romantiques et les choeurs se surpassent comme souvent dans la musique russe. En diva venue en rêve arborant une collerette tel un paon descendue dans cette basse-cour d’art contemporain, Nina Minasyan n’est que volupté. Dommage que l’ensemble de cette production festivalière ressemble un peu trop à un péché mignon auteuriste, mais si vous brûlez pour la quintessence d’une musique russe qu’on entend rarement, vous pouvez toujours céder à la tentation…

Le décor unique du Coq d’Or dans la production de Barrie Kosky.

Le Coq d’Or, opéra en trois actes de Rimski-Korsakov. Mise en scène Barrie Kosky. Direction musicale Daniele Rustioni avec les choeurs et orchestre de l’Opéra de Lyon. Jusqu’au 4 juin à l’Opéra de Lyon, Lyon 1er, et cet été au festival d’Aix-en-Provence. De 10 à 110 €. Réserver.