Entre la lumière et l’obscurité, une ombre plane sur le rock depuis plusieurs décennies. Cette ombre, c’ est celle de Nick Cave, une présence longue, grave et dégingandée. Accompagné depuis 1984 par les Bad Seeds et la sortie de From Here to Eternity, le chanteur australien n’a eu de cesse de construire une œuvre sombre, marquée par cette étrange ligne située à l’intersection de l’espoir et du pessimisme. Les meilleurs albums du Prince of Darkness confinent au sublime. En tête on se garde le privilège de citer : The Boatman’s Call (dont la tournée a été captée en DVD le temps d’un concert au Transbordeur), Abattoir Blues, Let Love Is, Skeleton Three ou encore Push the Sky Away. Avec des textes magnifiques et des mélodies puissantes qui viennent s’abriter dans nos paysages intérieurs pour ne plus jamais en repartir. Mettre de l’obscurité dans nos journées, de la lumière dans nos nuits.

Romantisme noir

Nick Cave est un romantique noir. Il va puiser dans ce fond blues et gothique de la musique américaine pour bâtir son univers poétique. Sombre comme la petite flamme qui vacille. Le temps a bel et bien une emprise sur Nick Cave, à l’opposé des stars qui veulent nous faire croire que le temps coule sur eux sans les éroder. Dans ce sens, Nick Cave ressemble aux aînés de sa trempe (qu’il adore) Lou Reed, Léonard Cohen ou Johnny Cash. Comme eux, il embrasse le temps pour en retirer l’amertume. Depuis plusieurs années, sa collaboration avec un autre australien, Warren Ellis, a pris davantage d’importance et sa musique un autre tournant : moins de guitare et de percussions, beaucoup de synthétiseurs, de piano et de chœurs. Ces chansons sont devenues atmosphériques, introspectives et plus minimalistes. Warren Ellis est un peu à Nick Cave ce que Brian Eno était au David Bowie de la trilogie berlinoise. Alors que l’on apprend le décès de son fils, Jethro mort à 31 ans, la tragédie semble une nouvelle fois toucher le chanteur. Déjà il y a sept ans, Nick Cave avait subi la perte de son fils Arthur, alors âgé de 15 ans. Le garçon était décédé d’une chute accidentelle d’une falaise à Brighton, sous l’emprise de LSD. Le songwriter avait tenté de mettre des mots sur ces traumatismes. Les albums Skeleton Tree en 2016 et Ghosteen (un titre explicite) en 2019, avaient été profondément inspirés par cette tragédie. Paradoxalement, ce sont peut-être ses albums les moins morbides, et les plus délicats. 

Consolation

Le duo a refait surface l’année dernière avec l’album Carnage dans lequel Cave et Ellis vont encore plus loin dans la douleur, comme un prolongement radical à la limite de l’expérimentation. L’album n’en reste pas moins une démonstration de la richesse d’écriture de l’australien. Comme ses dernières phrases Balcony man : « This morning is amazing and so are you / … / And what doesn’t kill you just makes you crazier » (Ce matin est incroyable et toi aussi /… / Et ce qui ne vous tue pas vous rend plus fou). La folie planera à coup sûr sur Fourvière.

Nick Cave and the Bad Seeds. Lundi 6 et mardi 7 juin à 21h30 au grand théâtre antique des Nuits de Fourvière. Lyon 5e. 68 €. Photo : Loll Willems.