Toute l’his­toire du piano défile sous ses doigts : un Mozart taquin comme un gamin en deuxième partie, usant du martel­lato comme s’il s’agis­sait déjà des dernières sonates de Beetho­ven. Il n’y a pas le moindre chichi chez Grigory Soko­lov, pas le moindre règle­ment de siège ou fausse concen­tra­tion avant de jouer.

Dans son Bach joyeux comme une épipha­nie dans le duos, tout semble posé comme le sens de la mesure et tout se met à galo­per pour faire fuir le temps, en faisant vivre l’ar­chi­tec­ture de l’in­té­rieur comme une marée ordon­née pour nous libé­rer du monde.

Grigory Soko­lov. (Photos : Brigitte Hiss)

Mozart déjà comme Beetho­ven

Et pour­tant, sa gigue est bien juste une danse dans laquelle il vire­volte avec naïveté, ses doigts comme des chevaux capri­cants. Il y a bien un miracle Soko­lov : garder un toucher de jeune fille qui fait chan­ter chaque note comme un don, et faire défi­ler en dessous toute l’his­toire de la musique.

A rebours de son Mozart d’il y a quelques années, Soko­lov aborde la sonate n°13 presque aussi déchar­née que sous les doigts d’Arrau, faisant ressor­tir toute le moder­nité d’une musique déjà construite pour le XXe siècle.

Grigory Soko­lov, premier salut.

Soko­lov, autant de bis et de ferveur qu’à un concert de Barbara

Comme toujours, un deuxième concert commence au moment des bis. Avec autant de ferveur et de commu­nion qu’à un concert de Barbara, Soko­lov, géné­reux autiste, revient autant que le public lui demande. D’abord avec sa Danse des Sauvages de Rameau préfé­rée, en atten­dant le Tambou­rin. Puis un Rachma dont le souffle slave emporte tout, avant une mazurka belle à pleu­rer, toute recroque­villée dans sa déli­ca­tesse de salon. Le Prélude en si mineur de Bach/Siloti nous renvoie vers l’in­fini. La boucle est bouclée. Les gens sont debout pour le regar­der reve­nir puis partir une derrière fois. Il est toujours le plus grand. On pourra dire : on était là.

Soko­lov sortant de scène le 27 novembre 2023 à l’Au­di­to­rium.

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