Toute l’histoire du piano défile sous ses doigts : un Mozart taquin comme un gamin en deuxième partie, usant du martellato comme s’il s’agissait déjà des dernières sonates de Beethoven. Il n’y a pas le moindre chichi chez Grigory Sokolov, pas le moindre règlement de siège ou fausse concentration avant de jouer.
Dans son Bach joyeux comme une épiphanie dans le duos, tout semble posé comme le sens de la mesure et tout se met à galoper pour faire fuir le temps, en faisant vivre l’architecture de l’intérieur comme une marée ordonnée pour nous libérer du monde.
Mozart déjà comme Beethoven
Et pourtant, sa gigue est bien juste une danse dans laquelle il virevolte avec naïveté, ses doigts comme des chevaux capricants. Il y a bien un miracle Sokolov : garder un toucher de jeune fille qui fait chanter chaque note comme un don, et faire défiler en dessous toute l’histoire de la musique.
A rebours de son Mozart d’il y a quelques années, Sokolov aborde la sonate n°13 presque aussi décharnée que sous les doigts d’Arrau, faisant ressortir toute le modernité d’une musique déjà construite pour le XXe siècle.
Sokolov, autant de bis et de ferveur qu’à un concert de Barbara
Comme toujours, un deuxième concert commence au moment des bis. Avec autant de ferveur et de communion qu’à un concert de Barbara, Sokolov, généreux autiste, revient autant que le public lui demande. D’abord avec sa Danse des Sauvages de Rameau préférée, en attendant le Tambourin. Puis un Rachma dont le souffle slave emporte tout, avant une mazurka belle à pleurer, toute recroquevillée dans sa délicatesse de salon. Le Prélude en si mineur de Bach/Siloti nous renvoie vers l’infini. La boucle est bouclée. Les gens sont debout pour le regarder revenir puis partir une derrière fois. Il est toujours le plus grand. On pourra dire : on était là.
Merci d’avoir lu cet article ! Si vous avez un peu de temps, nous aimerions avoir votre avis pour nous améliorer. Pour ce faire, vous pouvez répondre anonymement à ce questionnaire ou nous envoyer un email à redaction@exitmag.fr. Merci beaucoup !