Un jeune homme claque dans les mains et la machine à vent emporte le sublime voile blanc en fond de scène. Ne restera qu’une guitare sur un simple riff, celle de Carlos Garbin, danseur et musi­cien live aut au long du spec­tacle. L’his­toire du blues peut commen­cer. Le jeune homme (Solal Mariotte, danseur d’ex­cep­tion) se met à danser comme le vent dans une trouée hip hop comme on a rare­ment vu dans le voca­bu­laire de la Keers­mae­ker.

L’en­trée de Solal Mariotte au début de la tempête d’Exit Above.

Il y aura autant de couleurs et de corps diffé­rents chez ses jeunes danseurs que de tracés multi­co­lores sur la scène comme les dessine ATK depuis long­temps. Le beat du blues à la guitare, chan­tée au plateau par la douce voix de Meske­ren Mees, atti­fée en bermuda comme une enfant s’adres­sant à la jeunesse d’aujourd’­hui, se trans­forme peu à peu en transe- techno grâce à Jean-Marie Aerts, autre flamand ex- musi­cien d’Arno.

Cette histoire de la pop revue et mode­lée par la plus grande choré­graphe d’aujourd’­hui se construit comme une marche de combat avec l’éner­gie de la jeunesse. Avec une danse plus extra­ver­tie que jamais dans de grands mouve­ments de groupe, et toujours une place lais­sée à l’ex­pé­ri­men­tal et à la figu­ra­tion poli­tique, entre colère et flammes.

Jose Paulo Dos Santos et Lav Crnce­vic, deux danseurs de la compa­gnie Rosas d’ATK.

Une histoire du blues et des migra­tions

Ce sont sans doute les moments de commu­nion avec la simple guitare de Carlos Garbin qui nous font vivre les plus beaux moments entre ciel et terre de cet Exit above. Lav Crnce­vic est une merveille de corpu­lence, Rafa Galdino une pure bombe hip hop, Jacob Storer un délice d’homme en robe. Même si les filles de la compa­gnie Rosas restent, pour une fois, un peu en retrait. Comme toujours chez ATK, chaque danseur garde son propre langage (« my walking is my dancing ») et tous, comme dans la vie, ne sont pas égaux, mais l’éner­gie et l’har­mo­nie qui finissent par s’en déga­ger sont d’une joie sans pareil.

Carlos Garbin, Meske­rem Mees et Solal Mariotte. (photos Chris­tophe Raynaud de Lage)

A partir de toutes les frac­tions et effrac­tions inspi­rées par ses naufra­gés de plateau, ATK cherche et trouve un voca­bu­laire commun quelque part entre hip hop et danse contem­po­raine. Ça frotte, ça s’ébroue puis exulte. Jusqu’à une dernière ronde sur une chan­son à la simpli­cité désar­mante, d’un décro­ché de pied et d’une main qui glisse d’un danseur à l’autre, tous ensemble, renouant avec toute la beauté du monde. Ce retour aux sources du blues d’ATK avec Exit Above sonne comme un reset de son propre travail autre­fois sur les musiques de Bach ou de Biber. Magis­tral de renou­vel­le­ment.

Exit Above, after the tempest, par Anne Teresa de Keers­mae­ker, Meske­rem Mees, Jean-Marie Aerts, Carlos Garbin et les danseurs de la compa­gnie Rosas. Créé à Bruxelles en mai 2023. Au festi­val d’Avi­gnon du 6 au 13 juillet puis à la Bien­nale de la danse du mercredi 20 au vendredi 22 septembre à 20h à l’Opéra de Lyon, Lyon 1er. De 5 à 32 €.

Exit Above Keersmaeker groupe danseurs sous un drap blanc.