Chez Edi Dubien, les garçons ne naissent pas dans les choux mais dans les fougères, parmi les ours et les insectes, après un long combat qui les laissent encore incer­tains à eux même. Présence fanto­ma­tique, comme surgie des limbes de la mémoire, leur silhouette d’eau imprime à peine le papier. Voilà l’uni­vers onirique et trem­blant d’un artiste qui puise son inspi­ra­tion au sein de sa propre histoire, celle de son chan­ge­ment de sexe, pour inter­ro­ger la construc­tion de l’iden­tité et le genre.

Edi Dubien, Être enfin pour toujours, 2020 (Adagp, Paris, photo Blaise Adilon).

Un genre pas encore fixé, en tran­si­tion, traduit par la pein­ture fluide et liquide d’Edi Dubien. Visage rêveur et regard absent, ses portraits à l’aqua­relle de jeunes garçons font la part belle aux coulures et à la trans­pa­rence, donnant ainsi une impres­sion de fragi­lité, comme si ces sujets nais­sants étaient en train d’ap­pa­raî­tre… ou de dispa­raître. Mais ces évanes­cents jeunes hommes sont loin d’être de doux rêveurs. Ce sont des rebelles, qui se libèrent des carcans de la société en s’iso­lant dans la nature, avec laquelle ils entre­tiennent un lien intime et char­nel, presque animiste. 

Champs de bataille 

Edi Dubien, Jeune chevreuil maquillé, 2020 (Adagp, Paris, photo Blaise Adilon).

Garçon fougère et adoles­cent-renard, ils fusionnent avec elle, se parant de boucles d’oreille en forme de papillon alors que les animaux se traves­tissent avec du maquillage. Parfois leur visage s’ef­face pour lais­ser place à une tête d’ani­mal ou à une forêt. Étrange fusion qui dit la diffi­culté de se construire tout autant que la violence de la société, car les oeuvres d’Edi Dubien nous parle aussi de souf­france. Pour son expo­si­tion au MacLyon, l’ar­tiste a d’ailleurs prévu des instal­la­tions façon champ de bataille pour racon­ter ses luttes. Et c’est cette tension entre violence et douceur, étran­geté et poésie, cet entre deux jamais défi­ni­tif conju­gué à la pureté des lignes qui touche parti­cu­liè­re­ment dans son travail. Un travail dont on risque bien de réen­tendre parler. C.S.

Edi Dubien, Enfant soldat, 2019 (Adagp, Paris, photo Blaise Adilon).

L’Homme aux mille natures, expo­si­tion d’Edi Dubien. Du mercredi 7 octobre au dimanche 3 janvier au Musée d’art contem­po­rain, Lyon 6e. Du mercredi au dimanche de 11h à 18h. De 4 à 8€. mac-lyon.com