On aurait aimé visiter cette exposition le nez au vent, libérés de ces masques qui musèlent nos sourires depuis deux ans. C’était d’ailleurs la malicieuse intention du CHRD, dévoiler les visages de la guerre à l’heure où l’on retrouve les nôtres. Il faudra patienter encore quelques semaine pour cela, mais le résultat n’en est pas moins déjà saisissant. Pour ses 30 ans, le musée lyonnais dédié à la Résistance et à la déportation offre une centaine d’oeuvres de ses propres archives dans une nouvelle exposition foisonnante. Portraits et identités se déclinent sous toutes leurs formes, droit dans les yeux : icônes du pouvoir, visages des témoins du quotidien, masques à gaz, trognes de prisonniers et figures de l’absence incarnées par des manteaux ou des tenues de déportés, plus poignants encore que les regards. Le tout servi par une scénographie d’exception, intelligente et numérique, qui fait de ce lieu – en sous-sol, un rien oppressant – un nouvel écrin pour les récits de la Seconde Guerre Mondiale. On navigue d’oeuvre en oeuvre à travers des cartels tactiles, l’émotion toute concentrée sur la centaine d’objets qui compose la collection.

Icônes et anonymes, Pétain et De Gaulle

Les hommes prédominent et les femmes sont plus discrètes, tour à tour serviles ou survivantes des camps de la mort. Dans la pièce principale, une installation met en valeur 54 portraits de prisonniers de guerre du peintre Jean Billon, présentés pour la première fois avec une telle ampleur. Autour d’eux, les tirages argentiques en noir et blanc du photographe Frédéric Bellay, magnifique hommage aux témoins de la Shoah. L’exposition interroge aussi la représentation des chefs politiques de l’époque : Pétain lacéré sur une affiche ou sublimé dans un carré de soie, De Gaulle immortalisé par l’art naïf de Lucien le Guern. Dans les caves où attendaient d’être torturés les prisonniers de la gestapo, nos yeux s’arrêtent sur celles et ceux qui, avant nous, ont pris toute la mesure de ce que signifiait « être en guerre ».

Visages, portraits des collections du CHRD. Du mercredi au dimanche de 10h à 18h au Centre d’Histoire de la Résistance et de la Déportation, Lyon 7e. Jusqu’au 18 septembre. De 4 à 8€.