Obama en a fait un succès viral. La nouvelle expo Obey, 1001 reasons to (Dis)Obey de Frank Shepard Fairey en impose au musée Guimet. Même si elle pose aussi quelques problème politiques autant qu’elle séduit par ses codes graphiques.

Obey, c’est Obama. Frank Shepard Fairey, alias Obey, s’est révélé au regard du grand public lors des élections américaines de 2008 avec son portrait d’Obama, « Hope », devenu viral. Son impact a été tel que Barack Obama, après de multiples remerciements, s’en est emparé lui-même pour faire passer d’autres messages : le fameux « Yes we can », puis «Yes we did», une fois élu. L’artiste était déjà presque quadra. Il avait une œuvre gigantesque derrière lui. La rétrospective proposée par Spacejunk Art center au Musée Guimet (oui, c’est une expo privée), remet en perspective l’ampleur de son travail, à travers un millier d’oeuvres.

"1001 Reasons to (dis)OBEY" la grande expo sur Shepard Fairey au Musée Guimet.
L’immense exposition du musée Guimet vue de haut (photo Muriel Chaulet)

Obey, du street art à la marque de vêtements

On a bien dit 1000 ! De fait, Lyon peut se targuer d’accueillir la plus grande exposition au monde consacrée à l’artiste. C’est un bienfait pour le Musée Guimet, un vaisseau fantôme, heureusement réanimé pour l’occasion. Il n’est pas certain qu’à ses débuts précoces, au milieu des années 80 (il est né en 1970), l’artiste imaginait rejoindre les cimaises des galeries. Il vient du monde de la planche à roulettes, de l’autocollant placé à la volée sur le mobilier urbain, du flocage sur T-shirt (Obey est également une marque de vêtements) et de la street credibility. D’autant qu’Obey met son talent au service d’un engagement politique et sociétal constant.

La révolte vertueuse de l’écologie et des minorités

Au commencement, il venait déjà au secours de street-artists persécutés par la police. Il s’engage pour l’écologie dès 1997 (beau portrait de Paul Watson de Sea Shepard, le cauchemar des chasseurs de baleines), défend le droit des minorités, soutient Occupy Wall Street, multiplie les affiches dénonçant la corruption, la finance, à l’aide de slogans efficaces. Cette révolte « vertueuse » ce heurte cependant à ce qui pourrait être une limite. Une des affiches laisse envisager qu’il succombe aux thèses complotistes antimaçonniques. C’est un détail.

Entre Banksy et Andy Warhol

Car avant tout, Obey, qui ne vient pas totalement de la rue (il a fait une école de graphisme) se démarque par un style élégant, riche, percutant, immédiatement reconnaissable. Il a rapidement quitté la technique du pochoir, cher à Banksy, pour utiliser presque exclusivement la sérigraphie, comme Andy Warhol, dont il revendique l’influence graphique et le côté sériel. D’autres sources d’inspiration sont manifestes, comme le WPA (graphisme d’utilité publique) vintage qui caractérise les magnifiques affiches des grands parcs américains. Sa maîtrise des contrastes évoque celle du dessinateur de BD Milton Caniff. Il utilise avec subtilité des motifs de tapisserie, les trames rappelant les billets de banque et les timbres… Voilà pour le côté Américain.

Détournement d’affiches de propagande et problème politique

Mais Obey détourne surtout le style des affiches de propagande soviétiques et chinoises. Au bout de la 950 eme sérigraphie, sans compter les T-shirts et les skates sur deux étages, on reste toujours séduit. Ce rapport entre un art engagé et une esthétique qui pourrait paradoxalement décorer n’importe quel appartement bourgeois, pose accessoirement quelques questions de fond. Une salle entière s’acharne à démontrer, par un texte non signé, qu’Emmanuel Macron a tenté de récupérer à son profit l’affiche « Liberté Egalité, Fraternité » créée en hommage aux victimes du Bataclan.

La dégradation de l’oeuvre par des activistes anti-macronistes est même légitimée (y compris par l’artiste). Quelqu’un semble quand même être monté sur les épaules d’Obey, pour à son tour se l’approprier. L’idée de réduire l’art à un discours politique et de surenchérir au sein de l’expo, met un peu mal à l’aise. Mais, c’est beau, et on peut acheter de somptueuses sérigraphies grand format, signées, pour seulement 70 euros.

Obey. 1001 reasons to (Dis)Obey jusqu’au 9 juillet 2023, au Musée Guimet, 28 boulevard des Belges, Lyon 6e. Du mardi au dimanche de 10h à 19h. De 6 à 9 €.