Le Musée d’Art contemporain de Lyon a inscrit dans son code génétique l’acquisition d’installations monumentales. Pour des raisons qui nous échappent, l’Arc de Triomphe emballé par Christo n’est pas dans la liste. Mais le tout frais River of no return de Sylvie Selig n’est pas en reste. L’œuvre, un tableau peint à l’huile (en fait une succession de toiles accolées pour constituer une fresque unique), mesure 140 mètres de long pour plus de 2 mètres de haut ! Évidemment, aucune salle du musée ne pouvait afficher cette œuvre sur un pan de mur. Il aurait fallu réquisitionner le parc de la Tête d’Or. La bonne idée, plutôt que de la scinder, a été de la faire serpenter dans une idée de grand cercle avec des mouvements de vagues.

La rivière infinie de Sylvie Selig. (photos Pierre Ferrandis)

River of no return, une rivière de 140 m

Le spectateur tourne autour sans jamais avoir de vue générale, ce qui ménage des surprises. L’œuvre, acquise en partie grâce à une campagne réussie de crowdfunding, est extraordinaire. Mais commençons par l’artiste : Sylvie Selig. Elle avait marqué les visiteurs de la biennale 2023 Manifesto of fragility avec une fresque de « seulement » 50 mètres de long et ce que l’on pourrait appeler des « tribus » de personnages fantastiques. Il y a de fortes chances que ceux qui affirmaient déjà la connaître mentaient. En effet, si cette illustratrice de métier avait déjà été exposée, c’était de façon confidentielle, sans trouver son public.

Sylvie Selig, 81 ans, découverte sur Instagram

La Weird Family et les autres œuvres de Sylvie Selig.

Les commissaires de la biennale Sam Bardaouil et Till Fellrath sont tombés sur elle un peu par hasard et par la magie d’Instagram. Il était temps, Sylvie Sellig est âgée de 81 ans. Dans cette exposition, on retrouve aussi de petits groupes de ses personnages extraordinaires. Sa Weird Family (famille bizarre), souvent réalisée à base de mannequins de couturière, de papier mâché et d’objets de récupération, évoque aussi bien les « mascarades » du photographe Charles Fréger que la clientèle du bar dans La Guerre des étoiles. Des œuvres sur tissu et papier montrent un goût de l’artiste pour la mythologie néo-classique.

Roman graphique monumental aux 140 citations

Quant à la fresque gigantesque, elle représente la descente d’une rivière par deux garçons, un chien triste et une fille qui prend le rôle de capitaine. Leur équipée prend la forme d’une odyssée à travers des œuvres d’art du XXe siècle. Et plus loin encore, quand on considère les références à Lewis Caroll, Jean de La Fontaine ou Géricault (Le Radeau de la Méduse). On peut jouer au Trivial pursuit des citations, ciel bleu Klein ou araignée géante de Louise Bourgeois, mais bon courage… il y en a officiellement 140 ! Il faut aussi se laisser simplement dériver au fil de ce roman graphique, à la fois histoire du temps qui passe et du passé impossible à recoller, poème en prose (une traduction en français des textes anglais est disponible sur flyer), tapisserie de Bayeux et possible voyage Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad. Mais on ne vous raconte pas la fin.

Photos : Pierre Ferrandis / Exit Mag.

Bon plan : pour ses 40 ans, le Mac de Lyon et ses expositions seront gratuits tout le week-end du 17 au 19 mai.